Commentaire de Sylvain Reboul
sur Regard(s) sur la violence


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 6 avril 2006 15:46

Je suis de ceux qui pensent avec Spinoza que l’idée du libre-arbitre est une illusion ; si on en fait une entité métaphysique, elle n’existe pas plus que « Dieu le père » pour un non-croyant ; au mieux il s’agit d’une fiction idéologico-juridique : on déclare un individu coupable parce qu’il est libre et on affirme sans aucune preuve qu’il est libre (donc qu’il avait absolument le choix d’agir autrement) pour pouvoir le sanctionner comme coupable. CETTE FICTION EST DISSUASIVE ET EDUCATIVE, MAIS ELLE N’EST EN RIEN UNE VERITE DEMONTRABLE.

Au pire elle est une mystification pour ne pas avoir à s’interroger sur les déterminations d’un acte et se permettre de condamner le dénommé coupable sans savoir et sans mettre en cause « sa » situation dès lors qu’elle refuse de comprendre qu’il n’ y a pas d’autre liberté que l’action de se libérer et que celle-ci suppose deux conditions :

- Etre conscient des déterminismes psychologiques et sociaux qui pèsent sur nos désirs et nos actes

- Etre capable de faire l’analyse critique des tenants et des aboutissants de nos intentions et de nos actes ; donc être capable de s’auto-analyser et de se critiquer soi-même ; or cela ne peut être que le résultat d’une éducation de la raison qui va contre la tendance première : nous valoriser dans ce que nous faisons et refuser a priori toute critique et à plus forte raison (mauvaise) toute auto-critique.

Mais justement, dans la plupart des cas de violence sociale, cette éducation est défaillante. Car pour être un bon éducateur, il faut soi-même pratiquer les valeurs et principes dont on se réclame, être investi d’une certaine reconnaissance sociale et être en position de garantir à ceux que l’on éduque cette reconnaissance.

Or qui peut éduquer les éducateurs se demandait déjà Kant ? Question à laquelle j’ajoute immédiatement : Quel éducateur peut offrir une telle garantie dans la société pour le moins discriminante dans laquelle nous vivons, à commencer par l’école comme système de sélection accélérée de l’élite républicaine à vie ?

Seuls ceux qui ont eu la chance de rencontrer un éducateur crédible et ont pu forcer la mur de verre de la discrimination (casser le bocal) ont pu s’en sortir. Les autres ne deviennent pas forcément des délinquants, mais il leur faut des palliatifs, plus ou moins symboliques en l’absence de guerre extérieure, à leur désir de violence : le foot, le rap, la drogue, le défi mortel, la domination des femmes et la défense du territoire (ça va toujours de pair) etc..

Spinoza et la liberté

Le rasoir philsophique


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