Commentaire de Danièle Dugelay
sur Dehors, les envahisseurs !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Danièle Dugelay Danièle Dugelay 13 novembre 2014 17:24

Dois-je écrire « Cher Enfoiré » ? Après tout, c’est vous qui avez choisi votre pseudonyme ! Et il vous va comme un gant, du moins à prime abord. En effet, qu’est-ce qui vous permet de me juger ainsi ? Que savez-vous de ma vie ? Ai-je parlé de « citoyenne du monde » à mon sujet ? Non, j’ai parlé de « communauté des êtres humains » et c’est très différent du terme que vous employez et qui a un sens particulier sur le plan politique. Exercez donc votre esprit critique, Monsieur l’Enfoiré !

Je n’ai pas l’intention de vous raconter ma vie. Sachez simplement que ma jeunesse a été courte puisque j’étais mère de famille pour la première fois à 21 ans, car à l’époque on se mariait très jeunes.
Sachez aussi que j’ai connu une petite aisance parfois, mais le plus souvent presque la pauvreté. Sachez que sur ma durée de vie, plus de 30 années ont été consacrées à soigner à temps complet de longues maladies pour ascendants et enfants, ce qui est terrible, mais ce sont toutefois des moments où l’amour remplit votre existence. Comment voulez-vous que je puisse parcourir le monde ? Et vous voudriez m’interdire de parler de pays que je ne connais pas de l’intérieur ? Qu’est-ce que cette prétention tyrannique !

De quel droit semblez-vous pouvoir critiquer ma manière d’enseigner ? Oui, j’ai été institutrice, après avoir été successivement secrétaire, traductrice, vendeuse de parfumerie en porte à porte et maman-infirmière. Mes études, je n’ai pu les reprendre qu’à 39 ans, essentiellement par correspondance et cours écoutés sur France-Culture. Cela m’a permis d’obtenir un DEUG de Droit et tenter le concours d’instituteur en 1981. Dans ma classe, il y avait quelques jouets pour éviter la sévère frontière entre maternelle et le CP/CE1 qui fut ma classe principale. Un petit lion en peluche avec une tête montée sur ressort accueillait les enfants qui poussaient sa tête pour dire bonjour. La maîtresse et les enfants se disaient bonjour. Après l’installation, toute la classe allait dans un coin de la salle pour échanger oralement, donc apprendre à s’exprimer, à s’écouter, à réfléchir ensemble. Ensuite, chacun travaillait « au contrat » en faisant du mieux possible ses exercices. Je jonglais comme je pouvais entre les deux cours Le travail terminé, vérifié par la maîtresse, le contrat pour cette matière était considéré
rempli et l’élève était libre de s’occuper en silence : lecture, écriture libre sur un grand papier attaché sur un meuble en longueur, coloriage, puzzles, jeux divers etc. La mode des éventails en papier plié leur a apporté des savoirs sans qu’ils sen rendent compte. Pour certaines activités, nous votions à la majorité, mais pour les poésies nous votions en respectant le choix de chacun et je faisais autant de copies nécessaires pour chacun car ils étaient très gourmands. Les travaux plus difficiles se faisaient par groupe de six où les niveaux étaient mélangés, le calcul et les math sous forme de jeux parfois, la lecture en scènes de théâtre. Les règlements intérieurs, avec deux colonnes (droits et devoirs) se décidaient ensemble etc... Dois-je continuer longtemps ? Les élèves devaient respecter la maîtresse et leurs camarades comme tout être humain, mais la maîtresse devait aussi respecter les enfants. Les promesses étaient considérées comme impératives par les enfants. Les chewing-gums étaient autorisés à condition de rester dans la bouche et après une leçon avec recherches sur les conséquences sur la digestion et les dent : j’avais remarqué que les enfants agités et instables étaient plus attentifs avec leur bonbon dans la bouche. Les abus étaient surveillés.Je n’étais pas toujours appréciée par la hiérarchie et les collègues. Inutile de vous dire que je passais une partie de mes nuits à préparer mes cours et il a fallu me mettre en retraite anticipée (2 ans) pour surmenage ayant provoqué une grosse dépression invalidante. Cependant, je n’ai jamais pratiqué la méthode Freinet car je n’ai jamais trouvé de collègue qui puisse m’aider dans l’application et je travaillais avec des enfants, trop fragiles pour que je me permette de jouer à l’apprenti-sorcier.
Cordialement, l’Enfoiré.


Voir ce commentaire dans son contexte