Commentaire de maidoc25
sur Much Loved, paradoxes marocains et faunes bipolaires
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Les jeunes, de la culture à la politique
A la fin des struggles, on livre le Parlement au chômage des absents. Et au silence, le pays, et ce durant des mois entiers. Le choc des Titans, j’en ai assez parlé avant ! Un vide complexe, sinon des attentes sidérées et des simagrées, pour se remplacer, les uns par les autres, bizarrement et n’importe comment. Un échangisme, torride, caricatural et antinomique, simiesque et comique, avec les ennemis d’hier. Des anges démonisés qui deviennent subitement des complices tolérants. Les comparses d’aujourd’hui sont-ils nos amis ou nos ennemis de demain ? Tant mieux, si l’on se regroupe. Mais tout le monde ne saisit pas ces « nuances de Gray », ces diatribes et puis ces assortiments. On ne sait plus où l’on est dans ce pays, le nôtre, aux 40 partis, si opposés et si complaisants ! Alternances, sans crédit pour demain ni pour la continuité. Demain, de quoi sera-t-il fait ? Et le profil du Marocains, qui s’en soucie ?
Quoi enseigner comme culture, comme musique, comme art, comme filmologie ? Quels livres donner aux enfants et aux jeunes adultes, en mal de soi, dans leur pays ? Google, le Web, le leur dira, en les formatant ! Au citoyen de demain, quelle culture lui offrir, pour forger sa personnalité ? Sa force, sa fierté, sa dignité, son identité, sont en mal de repères et de principes. Quoi leur enseigner ? La diplopie !
Nos jeunes, notre éducation sont à réparer. Leur esprit est ailleurs, il n’est pas dans cette nationalité-là ! Désancrés du pays, qu’ils ne se reconnaissent pas, ils sont attirés par les fantasmes de ces horizons étrangers, qu’ils se revendiquent comme imagos et comme fans. Des horizons, à 15 km, à 15 mn, pour leurs libertés, leur argent et leur modernité. Il est extraverti, le Marocain, il est possédé par un spectre, par ceux qui le chassent, qui le détestent et le haïssent.
Leur façon de voir le bonheur, aux jeunes adultes, la signification et le sens de la vie ne sont pas dans ce pays. Ils ont le corps ici et leurs idées ailleurs. A l’Est pour les uns ou au Nord pour beaucoup ! Des complexes colonisés nous rassemblent, nous débilitent et nous usent. Mais on ne peut pas s’empêcher de marcher, ensemble, la tête haute, pour nos libertés et notre personnalité.
Dès lors, qu’est-ce qui peut leur convenir ? A nos mutants ! Quels arts doivent-ils pratiquer et l’ado et cet homme, mûri, enkysté et emmuré ? Quels films doivent-ils regarder ? Quelle liberté de choix leur garder et quelles possibilités de création ou de terne passivité ?
Populisme ?
A quelle dose homéopathique de bonheur doit-on les livrer ? Au kif que l’on veut promotionner et légitimer ? De quoi s’empiffrer. Non seulement au Rif dénudé, mais au Sahara désert et au paradis vidé. Un bel et nouvel alibi pour certains partis qui veulent qu’il y ait des médicaments dans le kif, de quoi soigner les dépits et les angoisses, les douleurs de tous les terriens. Programmes discutables. On est paumés. Prothèse politique ou thèse attractive d’une authenticité pâmée ? Une belle thérapie, qui nous vaut déjà tellement de haines, de malades aggravés et d’ennemis dépravés.
A côté de chez nous, les braves soumis nous tirent dessus ! On nous descend pour notre régime, pour nos filles de joie, pour ce kif et pour ces relatives libertés. Annihilés, paralysés ou destructurés, nos jeunes, qui s’entretuent aux couteaux et aux « tcharmils » se sabrent. Armes au poing pour un phone ou des « espas » marquées qu’ils veulent arracher ou voler, là sur les abords des collèges, afin de s’acheter de quoi kiffer et s’intoxiquer. Alors, le kif est aussi ce péril de schizophrène. Certains le cultivent ou le vendent illégalement, parce qu’il rapporte beaucoup d’argent à blanchir pour ces gars, ou simplement des maladies et de la prison !
Bien de nos jeunes semblent livrés aux fantasmes des drogues. Mais aussi aux fantasmes des images virtuelles, celles des fortunes vite faites. Celles des boat-peoples ne les effraient pas assez ! Celles avec des horizons sanglants, qui interpellent les humains pacifistes, ne les répugnent pas assez. Que faire pour les en décourager ? Comme le témoignent les déchirements du Moyen-Orient, où nos référentiels et nos amis se déchirent, larga manu ! Des images barbares circulent. Celles des têtes coupées, comme des ballons lâchés, ces corps écartelés, ces femmes lapidées, ces fosses communes remplies et explosions à l’envie.
Le bug de Ayouch, qui a scandalisé le bon peuple, les éditorialistes, les polémistes des forums, est un révélateur de notre déchirement. De cet état de lambeaux culturels hérités, de notre patchwork cultuel fragmentaire et de pénalités diffractées. Il est la résultante de notre état postcolonial de peuple pacifiste, de terres et de campagnes, encore effritées et colonisées. Il est le reflet de notre bonhommie, de notre personnalité dissonante, aux multiples langues, souvent mal maîtrisées. Sommes-nous des schizophrènes, dépolarisés, extravertis sur deux mondes opposés ou plus ? Et ce phénomène des femmes « Much loved » d’un Ayouch, si mal aimé ? C’est un révélateur sociologique. Il doit, comme film à visiter et non conspuer, ouvrir encore plus de discussions, apaisées… Des vannes des politicards pas seulement, mais aussi des vannes d’idées à ouvrir, pour les exploiter, sans haine ni arrogance préconçue. Et ce afin de changer, d’évoluer sans hypocrisie, ou pour se défendre et s’en vanter. Et se détendre, pourquoi pas ?
Les censeurs haletants, se sont-ils tus ? Je ne le pense pas. Ce film a eu un impact essentiel inespéré. Socio-politique, culturel, alors qu’il n’est même pas sorti. Pour appuyer mon hésitation, je me réfère toujours au film projeté au Mégarama, Le loup de Wall Street, avec Leonado Di Caprio et où rien ne manquait.
Le film ne résout pourtant aucun problème. Pourquoi le demander à Jennifer ou à Ayouch ?
* Président de l’Association des amis des myasthéniques du Maroc
Par Dr. Moulay Ahmed Drissi *
Mercredi 3 Juin 2015
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