Commentaire de Nycolas
sur Faut-il détruire les ordinateurs pour sauvegarder les emplois ?


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Nycolas 7 novembre 2015 13:54

Oui, bon, la lutte des classes est une réalité.

Mais ce n’est certainement pas en appliquant une grille de lecture dépassée, ringarde même, je dirais, et une approche qui a déjà échoué qu’on va résoudre ce problème.

Je suis toujours atterré quand je lis ce genre de propos qui s’appuient sur des concepts comme « gauche bourgeoise », exactement comme quand je lis des nostalgiques du reich qui croient réellement que le NWO américano-anglo-sioniste a fait échouer le projet d’Hitler de rendre le monde meilleur, dans les années 40.

Il y a un moment où il faut savoir regarder les choses en face : ces projets ont échoué car le ver était dans le fruit. La lecture du monde était pleine de bonne volonté, mais biaisée, simpliste, puriste, là où le monde est au contraire plein de nuances et de complexités. Quant aux bourgeois, ils sont aussi les marionnettes d’autres tireurs de ficelles, qui eux-mêmes se font manipuler par d’autres intérêts. C’est ainsi que toute révolution est manipulée par des intérêts qui la dépassent et restent dans l’ombre, comme on l’observe encore au jour le jour avec les printemps arabes.

Aujourd’hui, les bourgeois ont encore moins d’emprise sur le monde qu’ils en avaient en 1789. Ou en 1968. Vous parlez du capitalisme et passez à côté de votre sujet... A un moment, il va bien falloir que les peuples se tournent vers la racine de leur problème, l’origine de leur oppression. Sinon en 2289 on lira encore « ces satanés bourgeois, on aurait du les décapiter ».

Que veut dire « bourgeois » quand chaque citoyen occidental est, à un certain degré, embourgeoisé par la technologie et les conforts qu’on déverse sur sa tête ? Même les plus pauvres, chez nous, ont leurs téléphones portables, leur télé, leur frigo. La pauvreté se dispute, à quelques exceptions, il est vrai, à qui n’a pas de lave-vaisselle ou de lave-linge, ou de voiture. Rendez-vous compte, presque tout un chacun a sa propre voiture... Chose inenvisageable il y a un siècle. Nous sommes tous les bourgeois des pauvres des pays « en développement », qui travaillent à produire nos iphones dans des usines comme on en avait ici il y a un siècle, et nous faisons complètement l’impasse sur ces faits pour maintenir une lecture arthritique de la lutte des classes.

Les (dés)équilibres de classes se sont mondialisés, et ce n’est pas spécialement le fait d’une politique bourgeoise ou je ne sais quoi. Ce sont les détenteurs des moyens de production qui ont simplement suivis leurs intérêts en les délocalisant. Ce faisant, ils ont certes appauvri nos pays, mais ils en ont enrichi d’autres, leur ont donné l’espoir d’accéder à nos conforts, comme en Chine par exemple, qui s’est complètement converti à un faux communisme libéral, dans un style proche, quoique différent de celui de la Russie actuelle.

Voyons plus loin. Le communisme est mort. Mais le capitalisme dans son ensemble est également à l’agonie (et n’oublions pas que le communisme est une des branches du capitalisme). Le libéralisme sera bientôt tenu en échec par la nature elle-même : la limitation des ressources (on planifie actuellement d’aller les puiser sur la lune et des astéroïdes en se voilant la face sur le coût littéralement astronomique de ce genre de projets). Puisque l’homme semble incapable d’imaginer un projet de société basé sur autre chose que l’industrialisation, l’échec de ces idéologies sera également le sien dans son ensemble, à défaut de vouloir imaginer de nouvelles solutions politiques et économiques, qui ne sont pas forcément dictés par une morale ou un idéal, mais par des contingences réelles : la nécessité de tenir compte des limites physiques du monde. Ni plus ni moins.

En attendant qu’une hypothétique prise de conscience d’un tel degré survienne, on continuera à agiter, les uns le communisme, les autres le national-socialisme, et la majorité l’UMPSisme. On aura aussi diverses agitations anti-sionistes, un intégrisme écologiste sans vision (au service du libéralisme qui dessert toute forme d’écologie réelle), des conflits autour de l’eau, du pétrole, des terres rares, de l’uranium, et bientôt de toutes sortes de métaux nécessaires à nos industries. On appellera ça de la « géopolitique », quand il s’agira en réalité de la descente aux enfers d’une civilisation consumériste mondialisée qui n’aura bientôt plus rien à se mettre sous la dent.

La solution surgira sûrement d’elle-même, à la toute fin de la méga-crise, et elle sera multiple et locale, c’est à dire adaptée aux différents contextes régionaux, et fera sans doute suite à des guerres. Qui sait ce qu’il restera d’internet et des différents réseaux d’échanges et de communication à ce moment là ? Le communisme pourra toujours resurgir localement, à l’échelle d’une région, d’une commune. Dans d’autres, ce sera l’intégrisme. Dans d’autres, des variantes du nazisme, du fachisme, ou encore du libéralisme.

Mais tout ça, c’est parce qu’on est infoutus de se mettre d’accord sur une solution commune pour faire tomber le système en place qui nous mène dans cette direction. Pourquoi ? Parce qu’on en profite. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous bourgeois (de gauche ou de droite, ou apolitiques), à un certain degré.

Alors votre dénonciation de la gauche bourgeoise...


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