Commentaire de JC_Lavau
sur Bernard d'Espagnat, une pensée quantique complexe


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JC_Lavau JC_Lavau 15 janvier 2016 10:43

Dans les archives de Usenet, j’ai retrouvé cet exploit de Bernard d’Espagnat (la discussion était consacrée aux entourloupes de Jean Staune, financé par la même John Templeton Foundation) :
20/12/2007

http://www.canalacademie.com/Notre-existence-a-t-elle-un-sens.html
et www.lesensdelexistence.fr
Un naufrage hélas prévisible : Bernard d’Espagnat vante Staune...

Le lien n’aboutit pas à un html, mais à un téléchargement de fichier
.doc. Vous allez trouver ici donc une copie de cette commission de
Bernard d’Espagnat envers Staune. Dire que nous soyons surpris d’un tel
naufrage serait mentir. Depuis longtemps nous avions jeté le consternant
« Réel voilé », déplorant la solitude du physicien paumé, indéfectiblement
entubé dans son « dualisme onde-corpuscule », loin de toutes aides
épistémologiques pertinentes. Déplorant aussi le sens commercial de son
éditeur, qui lui faisait recommencer indéfiniment ses cris de détresse
d’égaré, puisque cette nullité se vendait sous couleur de vulgarisation...

Citation de : Bernard d’Espagnat
Je dépose sur le bureau de l’Académie un livre de Jean Staune intitulé
Notre existence a-t-elle un sens ? Sous-titre : Une enquête scientifique
et philosophique. (Presses de la Renaissance, Paris 2007, 533 pages).
Notre science est fertile en découvertes, mais la plupart sont affaire
de spécialistes. Ne serait-elle intéressante que pour les personnes à
tournure d’esprit plus ou moins scientiste, ne rêvant que structures de
molécules ou interactions entre quarks ? Sans trop se risquer à le dire
beaucoup de non-scientifiques, aujourd’hui, le pensent, et pour eux ce
livre sera, je le crois, une révélation. Car Jean Staune a compris qu’à
l’heure actuelle les découvertes véritablement significatives ne sont
pas celles qui intéressent le plus les scientistes. Bien au contraire il
a su voir et faire voir que des découvertes scientifiques récentes
remettent gravement en question tout le jeu d’idées pseudo évidentes qui
durant des siècles a nourri une certaine illusion scientiste et qui, par
voie d’osmose a, petit à petit, passablement rétréci l’horizon de pensée
de Monsieur Tout-le-Monde. Et cela, manifestement, est philosophiquement
et sociologiquement intéressant.
Pour l’établir il fallait parcourir la science dans son ensemble. C’est
pourquoi le livre se divise en quatre principaux chapitres, consacrés
respectivement à la physique, l’astrophysique, la neurologie et la
théorie de l’évolution. En physique, après avoir rappelé la dualité
onde-corpuscule et les problèmes conceptuels - connus mais bien réels -
qu’elle soulève (dont le célèbre indéterminisme quantique) il explique
ce que sont le théorème de Bell et les expériences d’Aspect, lesquels,
pris ensemble, nous obligent à renoncer à tout réalisme local, et en
particulier - mais oui ! - à l’atomisme philosophique. Le tout,
note-t-il, plaide en faveur de l’idée que la physique nous décrit non
pas le réel ultime, le réel en soi, mais seulement les apparences
valables pour tous. Ce qui n’empêche aucunement la théorie
correspondante d’avoir des applications étonnantes telle la construction
d’une cryptographie inviolable. En astrophysique de même, après avoir
rappelé l’essentiel des données actuelles Staune analyse l’une des
notions aujourd’hui les plus discutées, celle du principe anthropique,
et conclut que l’existence d’un principe créateur - ou d’un programme,
si l’on préfère - est vraisemblable à moins que n’existe une infinité
d’univers. En ce qui concerne la théorie de l’évolution, après avoir
rappelé que l’évolution est un fait et le darwinisme une pure et simple
théorie (honte à qui confond l’un et l’autre !) il donne de la situation
une analyse objective et approfondie, et conclut prudemment que sur la
validité du néo-darwinisme il est, actuellement, encore difficile de se
prononcer. En neurologie, enfin, il montre, sur la base de données
récentes, que le dualisme matière-esprit « redevient une hypothèse
acceptable ». Je tiens à souligner que dans chacun de ces quatre domaines
l’auteur s’appuie sur une documentation très abondante et très à jour,
qu’il analyse avec une grande pénétration. Naturellement, il ne lui
incombait, en aucun d’eux, de se livrer à un exposé exhaustif des très
nombreuses découvertes qui y furent récemment faites, la plupart étant
neutres relativement au problème qui l’intéresse, celui, disons, du sens
de l’existence. Mais de celles susceptibles d’y jouer un rôle il tient,
dans le livre, objectivement compte, qu’elles soient ou non favorables à
l’idée qu’il défend. Et, de fait le tri que son approche de la science
le conduit ainsi à effectuer se trouve présenter un avantage, en quelque
sorte additionnel. Celui d’offrir à « l’honnête homme » d’aujourd’hui,
qu’il soit ou non soucieux de la « question du sens », une description
claire et précise - débarrassée d’une foison de données adventices et
centrée par là-même sur l’essentiel - de la manière dont s’organisent,
dans les quatre domaines en question, nos connaissances fondamentales.
Dans un chapitre de conclusion Jean Staune émet l’idée qu’en science un
nouveau paradigme est en train de s’imposer, qui peu à peu, sous la
pression des faits observés, remplacera le paradigme original, lequel
remonte au mécanicisme cartésien et newtonien. Ce nouveau paradigme, il
donne de bonnes raisons de le concevoir dans la ligne du platonisme, au
sens du mythe de la caverne : il y a une réalité fondamentale, unitaire
et harmonieuse (du moins au sens où les mathématiques le sont), dont les
phénomènes que nous étudions ne sont que les « ombres ». Les philosophes
trouveront là, je crois, matière à réflexion. En effet beaucoup,
aujourd’hui semblent voir dans l’avènement de la notion « d’un monde de
forces et de chocs » (Luc Ferry, Kant) - avènement suscité, notent-ils,
par la science moderne en remplacement de l’idée antique de cosmos -
quelque chose de définitif, que la philosophie devrait impérativement
prendre en compte parmi les donnée sur lesquelles elle a à construire.
Or justement, ce que montre clairement le livre de Staune c’est que, à
cet égard, certaines découvertes récentes ont tout changé, et que
maintenant considérer, par exemple, le monde comme étant
fondamentalement une collection d’objets très simples soumis à des
forces et s’entrechoquant - ou comme étant quoi que ce soit de similaire
- est devenu anti- scientifique. Un changement de perspective qui,
naturellement, légitime à nouveau des conjectures naguère tenue pour
irrecevables mais n’implique de façon nécessaire ni, bien sûr, un retour
au cosmos antique ni une conversion au religieux traditionnel. De fait,
dans une section intitulée « Et Dieu dans tout ça » Jean Staune énumère
avec beaucoup de lucidité sept postulats que l’on doit faire l’un après
l’autre si l’on désire identifier l’ultime réalité dont il vient d’être
question à un Dieu personnel sensible à nos prières.
Il me faut enfin préciser que Jean Staune a magnifiquement réussi à
faire connaître toutes ces données et à développer ses arguments en un
langage simple, clair, direct, amusant même à l’occasion, qui rend la
lecture de ce gros livre aussi aisée que captivante et contribue à sa
manière à en faire un ouvrage, à mon avis, exceptionnel.

Fin de citation.

Et voilà à quoi on s’expose quand on n’est pas biologiste pour deux
sous, et qu’on se croit épistémologiste sans l’être.
Quel triste naufrage !


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