Commentaire de Analis
sur Ligue arabe : de la salle des soins palliatifs à la morgue
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@thomas abarnou
Alors, moi aussi je me base sur des gens qui travaillent sur place et qui comprennent très bien le contexte géographique, historique et culturel. Et les faits sont très clairement en faveur de mon interprétation (comme vous le reconnaissez implicitement, sans vous en apercevoir je suppose, quand vous dîtes que Assad a besoin des sunnites).
Je suis au courant des sondages auprès des réfugiés en Allemagne, mais attention, il faut tenir compte de facteurs de biais très sérieux. Dans les camps de réfugiés du Liban, Turquie et Jordanie, les réfugiés apparaissent majoritairement soutenir Assad et fuir les rebelles, comme le confirme d’ailleurs le fait qu’il n’y a pas ou quasiment pas de migration intra-syrienne vers les zones rebelles, et tout plein dans l’autre sens. Les résultats allemands peuvent surprendre, mais attention, il faut tenir compte du fait que les réfugiés savent que les attitudes pro-Assad sont mal reçues en Europe (il a été dit sur d’autres fils que les gouvernants français, par exemple, entendaient défavoriser l’admission de réfugiés pro-Assad). Ils adaptent donc leurs réponses. Mais en essayant de voir ce qu’il peut y avoir de vrai dans celles-ci, il est plausible que les anti-Assad fuient les camps des pays frontaliers où ils sont mal vus et se dirigent vers des pays qui paraissent soutenir leur parti, souvent bruyamment ! Bien qu’ils auraient aussi tendance à dissimuler leurs sympathies pour l’EIIL, 20 % d’entre eux osent quand même l’admettre (le nombre réel étant sans doute supérieur). Et il faut tenir compte du fait quil y lieu d’être sur l’interprétation dans l’optique propagandiste occidentaliste des déclarations selon lesquelles les réfugiés tenteraient de fuir les prises d’otage, car celles-ci sont le fait des rebelles (quant aux « bombes-barrils », qui sont juste des bombes comme ls autres, de l’explosif dans un conteneur, j’ai déjà dit ailleurs ce qu’il fallait en penser, et elles sont lancées contre des positions insurgées).
Donc oui, les sunnites qui ne prenaient pas partie ont été massacrés par Daech (et autres djihadistes) ; cela confirme ce que je disais. Que certains aient été aussi accusés et parfois maltraités par les forces armées, il ne faut d’abord pas oublier que ce sont des forces armées majoritairement sunnites, le conflit n’est donc pas là religieux, ce sont des sunnites qui ne comprennent pas que d’autres sunnites ne les rejoignent pas. Ensuite, il y a lieu de ne pas comprendre une posture de neutralité face à des atrocités aussi monstrueuses que celles de l’EIIL et des autres djihadistes. Dans un tel contexte, elle n’a pas lieu d’être. Je n’irai pas jusqu’à dire comme certains que tout syrien devrait prendre les armes contre les rebelles, mais c’est uniquement parce qu’il faut prendre en compte la peur qui les paralyse, expliquant que certains appelés aient préféré fuir le combat, notamment en raison de l’inefficacité de l’armée syrienne.
(Les forces vives qui quittent les zones occupées pour migrer, j’insiste là-dessus, cela confirme ce que je dis).
Quant aux sondages, attention tant aux propagandistes qui les mènent, qu’à leur interprétation. Les meilleurs sondages restent tant les élections que les migrations ou le fait que l’armée et la police syrienne aient tenu toutes ces années, ce qui il convient d’insister était impossible sans le soutien de la majorité de la population, donc de l’écrasante majorité sunnite. Le choix en faveur d’Assad relève certes du fatalisme et du manque d’alternative, mais il est bien là, il n’y a d’ailleurs là nul syndrôme de Stockholm, juste du pragmatisme. C’est pour ça que moi je fais la prévision que toute nouvelle élection législative ou présidentielle produira à peu près les mêmes résultats que celle de 2014, les rebelles étant quasi-unanimement détestés et vus comme les agresseurs ultimes. Sinon, les kurdes restent dans leur ensemble proches du gouvernement d’Assad et combattent en coordination avec lui, contrairement à ce qu’essaient de faire croire la propagande occidentale, et en dépit d’une tentative appuyée par la France et Israël de les retourner contre lui. Dans l’immédiat, le futur de la Syrie se fera avec Assad, et toute tentative d’imposer une autre solution au public syrien aussi néo-colonialiste, totalitarisante que grotesque.
Alors, conflit de religion, il y en a un de la part des insurgés dans leur majorité, qui ont voulu que ça en soit un. Mais si ce sont les minorités religieuses, musulmanes (chiites, alaouites, druzes), ou non (chrétiens, mandéens, yézidis) qui ont connu plus de victimes en proportion, ce sont bien les sunnites qui ont le plus souffert en nombre absolu (en Irak comme en Syrie, d’ailleurs). Et la majorité des syriens, dont une majorité de sunnites qui combattent avec acharnement en dépit de circonstances défavorables, s’oppose effectivement à ce conflit.