Commentaire de gogoRat
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gogoRat gogoRat 16 février 2017 14:10

Octave Mirbeau - extrait de ’La grève des électeurs’
 

  • [...]
    À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant,
     doué d’une volonté, à ce qu’on prétend,
    et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ? ... 

    Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ? Qu’est-ce qu’il espère ?

    Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas
     Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ;
    [...]
    Et c’est cela qui est véritablement effrayant.
    Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.
    Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires :
      la protection aux grands, l’écrasement aux petits.
     
    Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.
     

    Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ?
    Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces.
    Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. 
    Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien.
    Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera.

  •  Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois.

    Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit


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