Commentaire de Christian Labrune
sur Peter Butzloff, le transhumanisme écolo et l'extension du domaine de la lutte


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Christian Labrune Christian Labrune 18 décembre 2017 23:07

à l’auteur,

Les questions qui tournent autour de ce qu’on appelle actuellement le transhumanisme sont beaucoup trop essentielles pour qu’on puisse les réduire à un discours aussi caricatural et ridiculement lacunaire que celui du conférencier que vous évoquez. Ou bien le type est idiot, ou bien vous travestissez ses propos de manière à les rendre détestables pour le lecteur ordinaire qui n’entend rien à toutes ces questions et préfèrerait n’y voir que des rêveries de cinglé qui aurait passé trop de temps à lire de la science-fiction.

Quelque chose de très significatif : vous assimilez l’homme augmenté à un « homme-machine », et donc à ce qu’on aurait appelé, dans la science-fiction des années 50, un robot, c’est-à-dire une machine fort complexe, certes, mais ne jouissant ni de la conscience propre à l’homme ni de la liberté qui en découle. Or, l’homme augmenté, c’est par définition plus que l’homme naturel, et nous sommes déjà tous un peu augmentés grâce aux ordinateurs. Sans même avoir à quitter mon fauteuil, je peux avoir immédiatement par l’internet, comme s’il s’agissait de ma propre mémoire, des informations assez précises correspondant à n’importe quel domaine de la connaissance. Quand j’avais quinze ans dans ma ville de province, il n’y avait que quelques dizaines de milliers de volumes dans une bibliothèque municipale où on ne trouvait donc pas grand chose, laquelle de surcroît n’était ouverte que huit ou dix heures par jour, et pas tous les jours. S’il fallait désormais se passer des ordinateurs et des téléphones portables, on éprouverait à peu près le même sentiment que quelqu’un qui aurait subi une amputation de ses jambes ou de ses bras. On se sentirait terriblement diminué.

Ce que les transhumanistes ne veulent pas voir, c’est qu’après l’IA faible viendra nécessairement l’IA forte. L’IA faible permet déjà à des systèmes d’être autonomes dans n’importe quel environnement inconnu qu’ils perçoivent et comprennent aussi bien et même mieux que nous (il existe déjà des prototypes de voitures sans chauffeur). L’IA forte, ce sera la conscience de la machine et la compréhension, par l’exploration de l’Internet qui est sa mémoire déjà constituée, de l’ensemble des questions auxquelles l’intelligence humaine est confrontée. Quand la machine en sera arrivée là, très certainement avant le milieu de ce siècle(*), l’homme ne pourra plus suivre parce que l’évolution naturelle d’un cerveau biologique exigerait des centaines de milliers d’années pour qu’on commence à apercevoir une amélioration significative de ses performances, alors qu’une machine intelligente pourra augmenter considérablement ses capacités en seulement quelques mois.

 Nous sommes donc déjà dans le transhumanisme, mais cela ne pourra pas durer bien longtemps. Dans un ou deux siècles, il n’y aura plus d’hommes sur cette petite planète, sauf dans des réserves assez comparables aux zoos actuels. Mais l’intelligence n’aura pas pour autant disparu. Elle aura simplement migré d’un support biologique mortel et peu performant vers des structures artificielles pour lesquelles les notions de vie et de mort n’auront plus aucun sens. L’intelligence de l’homme actuel, en comparaison, paraîtra à peu près aussi rudimentaire que peut aujourd’hui nous paraître primitive et insuffisante celle des pingouins.

(*) Des gens fort sérieux pensent que l’apparition de la « singularité » devrait être possible avant 2030 !
 


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