Commentaire de Sophie
sur Des ministres millionnaires décident de bloquer le SMIC et 5 autres infos qui devraient vous faire bondir !


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Sophie 19 décembre 2017 03:45

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Polanyi ajoute que « l’apparition d’un mouvement de ce genre dans les pays industriels du globe, et même dans un certain nombre de pays peu industrialisés n’aurait jamais du être attribuée à des causes locales, à des mentalités nationales ou à des terrains historiques, comme les contemporains l’ont fait avec tant de constance », en soulignant que le fascisme avait peu à voir avec la première Guerre mondiale ou le Traité de Versailles, et qu’il a fait autant son apparition dans des pays vaincus que parmi les vainqueurs, dans des pays de « race » aryenne et non aryenne, dans des nations de tradition catholique et protestante, dans des pays de cultures antiques ou modernes, et qu’en réalité « il n’existait aucun type de terrain – de tradition religieuse, culturelle ou nationale – qui rendit un pays invulnérable au fascisme, une fois réunies les conditions de son apparition » Quelles sont les conditions qui permettent l’apparition du fascisme ? Polanyi, qui a vécu et a analysé cette époque, écrit qu’était surprenant le fait de voir le peu de relation existant entre la force matérielle et numérique des fascistes et son efficacité politique : « bien qu’il eut d’habitude pour but d’être suivi par les masses, ce n’était pas le nombre de ses adhérents qui attestait sa force potentielle, mais l’influence des personnes haut placées dont les dirigeants fascistes avaient acquis les bonnes grâces ; ils pouvaient compter sur leur influence sur la communauté pour les protéger contre les conséquences d’une révolte avortée, ce qui écartait les risques de révolution ». Un pays qui s’approchait de la phase fasciste présentait certains symptômes, et parmi ceux-ci ne figurait pas nécessairement l’existence d’un mouvement proprement fasciste. Mais Polanyi souligne qu’étaient perceptibles d’autres signes au moins aussi importants : « la diffusion des philosophies irrationalistes, d’une esthétique raciale, d’une démagogie anticapitaliste, d’opinions hétérodoxes sur la monnaie, de critiques du système des partis, d’un dénigrement général du ‘régime’, quel que fut le nom donné à l’organisation démocratique existante ». (pages 305 et 306) Et il rappelle qu’Adolf Hitler a été catapulté au pouvoir « par la claque féodale entourant le président Hinderburg, tout comme Mussolini et Primo de Rivera furent placés à leurs postes par leurs souverains respectifs. Pourtant Hitler pouvait s’appuyer sur un vaste mouvement ; Mussolini, sur un petit ; Primo de Rivera, lui, ne s’appuyait sur rien du tout. Il n’y eut dans aucun cas de véritable révolution contre l’autorité constituée ; la tactique fasciste était invariablement celle d’un simulacre de rébellion arrangée avec l’accord tacite des autorités, qui prétendaient avoir été débordées par la force » (Page 307) Dès les années 30, selon Polanyi, le fascisme était une possibilité politique toujours prête à être utilisée, une réaction presque immédiate dans toutes les communautés industrielles. Et plus loin, il remarque que n’existait pas un critère général du fascisme, qu’il ne possédait pas non plus une doctrine dans le sens ordinaire du terme : « Cependant, toutes ses formes organisées présentaient un trait significatif, la brusquerie avec laquelle elles apparaissaient et disparaissaient à nouveau, pour éclater avec violence après une période indéfinie de latence. Tout cela convient à l’image d’une force sociale dont les phases de croissance et de déclin suivent la situation objective. Ce que nous avons appelé, pour être bref, une ‘situation fasciste’, n’était rien d’autre que l’occasion typique de victoires fascistes faciles et totales. Tout à coup, les formidables organisations syndicales et politiques des travailleurs et d’autres partisans dévoués de la liberté constitutionnelle se dispersaient et des groupes fascistes minuscules balayaient ce qui paraissait être jusqu’alors la force irrésistible des gouvernements, des partis, des syndicats démocratiques. Si une ‘situation révolutionnaire’ se caractérise par la désintégration psychologique et morale de toutes les forces de résistance, au point qu’une poignée de rebelles armes sommairement sont capables d’enlever de force les citadelles censées imprenables de la réaction, alors la ‘situation fasciste’ est tout a fait parallèle si ce n’est que, dans ce cas, se sont les bastions de la démocratie et des libertés constitutionnelles qui sont emportés : leurs défenses sont d’une insuffisance tout aussi spectaculaire ». « En Prusse, en juillet 1932, – continue l’intellectuel hongrois – le gouvernement légal social-démocrate, retranche dans le siège du pouvoir légitime, capitula devant la simple menace de violence inconstitutionnelle proféré par Her von Papen. Quelque six mois plus tard, Hitler prit possession pacifiquement des positions les plus élevées du pouvoir, d’où il lança une attaque révolutionnaire de la république de Weimar et les partis constitutionnels. Imaginer que c’est la puissance du mouvement qui a créé des situations comme celles-ci, et ne pas voir que, dans ce cas, c’est la situation qui a donné naissance au mouvement, c’est passer à coté de la leçon primordiale des dernières décennies » (page 308) Plus loin, Polanyi souligne que dans sa lutte pour le pouvoir politique, le fascisme s’octroie une liberté complète pour « négliger ou d’utiliser des questions locales, à son gré. Son objectif transcende le cadre politique et économique : il est social. Il met une religion politique au service d’un processus de dégénérescence. Dans sa période de montée, il n’exclut pas de son orchestre que des très rares émotions ; mais, une fois vainqueur, il ne laisse monter dans le char de la victoire qu’un très petit groupe de motivations, des motivations fort caractéristiques. Si nous ne faisons pas une nette distinction entre leur pseudo-intolérance sur la route du pouvoir et leur véritable intolérance quand ils sont au pouvoir, nous n’avons pas grand espoir de comprendre la différence subtile, mais décisive, qui existe entre le simulacre de nationalisme de certains mouvements fascistes au cours de la révolution et le non-nationalisme spécifiquement impérialiste qu’ils ont embrassé après la révolution » (pages 310-311) Et c’est ainsi que la « solution fasciste » semble être une conséquence inévitable du blocage du « système de marché » dans les crépuscules impériaux. Dans le crépuscule impérial britannique, qui arrive avec la première Guerre mondiale, entre en crise le système de marché, le laissez-faire, et comme nous le rappelle Polanyi « le rôle joue par le fascisme a été déterminé par un seul facteur, l’état du système de marché. Au cours de la période 1917-1923, les gouvernements demandèrent à l’occasion l’aide des fascistes pour rétablir la loi et l’ordre : il n’en fallait pas plus pour faire fonctionner le système de marché. Le fascisme resta embryonnaire. Au cours de la période 1924-1929, quand le rétablissement de système de marché parut assuré, le fascisme s’effaça complètement en tant que force politique. Après 1930, l’économie de marché est entrée en crise, et en crise générale. En quelques années, le fascisme devint une puissance mondiale ». (page 312). Le corporatisme comme solution à l’impasse du capitalisme dans les années 30. À partir des premières années de la décennie de 1930, le fascisme et sa politique corporatiste se sont mis à être « la » solution capitaliste à la démolition de la société de marché en Allemagne, en Italie et ensuite dans d’autres pays européens, au point que cette « solution » qui sauvait le capitalisme industriel a suscité beaucoup d’intérêt dans les cercles du pouvoir politique dans un nombre considérable de pays, y compris les figures politiques en Grande-Bretagne et aux USA.


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