Commentaire de Mmarvinbear
sur « Les heures sombres », reviviscence d'un mythe qui se délite


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Mmarvinbear Mmarvinbear 16 janvier 2018 00:16

Ce n’est pas par hasard si, dans les douze derniers mois, les programmes des salles de cinéma ont affiché deux films historiques de réalisateurs britanniques 


C’est au contraire le hasard qui a parlé : le vote du Brexit a eu lieu en Juin 2016. La décision de tourner « Darkest hour » a été prise en février 2015 et Nolan a commencé les repérages pour le tournage de « Dunkerque » en Aout 2015.


Aucun des deux ne présente Churchill pour ce qu’il était réellement. 


La vie de Churchill était si intense qu’elle pourrait être l’objet d’une série TV. Ces deux films ont pour point commun de se dérouler en 1940, le Churchill que l’on y voit est donc celui qui correspond à cette période historique.


Il serait trop facile d’éluder la réalité en affirmant qu’il était un produit de son temps : tout le monde ne défendait pas ce genre d’idée à l’époque, loin s’en faut. 


Il convient d’éviter de vouloir réécrire l’ Histoire à la lumière de nos valeurs actuelles pour commencer. La société occidentale du début du XXè siècle, que ce soit en Europe ou en Amérique, était fondamentalement raciste, machiste, antisémite et discriminante selon nos valeurs actuelles (!).

En France par exemple, l’affaire Dreyfus a mis en valeur l’antisémitisme de gauche que l’ EG actuelle veut cacher d’un voile discret. L’innocence de Dreyfus fera en grande partie purger la gauche de ce fond crapoteux.

Karl Marx ne disait-il pas « l’argent est le dieu jaloux d’Israël » et « l’hébreu est la muse des cours en Bourse » ?

Staline estimait les juifs d’URSS comme étant des « cosmopolites sans racines ».

Les français ne faisaient pas exception.

Pierre Leroux, théoricien du socialisme français : « Quand nous parlons des Juifs, nous voulons dire l’esprit juif : l’esprit du profit, du lucre, du gain, de la spéculation ; en un mot, l’esprit du banquier ».

Proudhon : « cette race qui envenime tout, en se fourrant partout »

Jean Jaurès lui-même, suite au scandale de Panama, est expulsé de l’ Assemblée nationale en 1894 après avoir évoqué en séance « les foudres de Jéhovah maniées par M. Joseph Reinach » ( un banquier mêlé au scandale bancaire ).

Une citation que ses biographes vont mettre le plus souvent sous le tapis.

Pour sa défense, Jaurès va vite évoluer et prendre la défense de Dreyfus ( après avoir estimé qu’il avait échappé à la peine de mort grâce au « prodigieux déploiement de la puissance juive »...) quand il sera convaincu de son innocence en 1898.

En 1904, pour la fondation de l’ Humanité, la famille Dreyfus n’oubliera pas son revirement et apportera une partie des fonds nécessaires au lancement du journal.

En 1906, Emile Cahen se justifie : « Les grands services rendus à la cause de la justice et de la vérité par M. Jaurès lui ont créé des titres indiscutables à la reconnaissance de tous les Israélites français. Ce sont eux qui, en très grande partie, l’avaient, il faut bien le dire, aidé à fonder son journal.  »

L’antisémitisme de gauche prenait racine dans l’association « juif=banquier » qui a perduré à droite. C’est le rejet du capitalisme en tant que système financier qui entrainait le rejet des juifs car ils étaient estimés fondateurs ou complices. La fin de l’affaire Dreyfus entrainera le départ des anti-dreyfusards de gauche vers la droite et l’extrême-droite.

Les progressistes n’étaient qu’une petite minorité à cette époque ou l’eugénisme faisait figure de progrès social et sanitaire.


Bien sûr, cette facette de Churchill n’apparait pas dans « Les heures sombres » où, comme à l’accoutumée, il est décrit comme un champion irrésistible, pugnace et hargneux, qui se bat pour essayer de sauver « la démocratie et le monde libre » des griffes du fascisme.


Ce qui est normal, car ces points de vues, pour réels qu’ils sont, étaient ceux de Churchill dans les années 10 et 20. 


Churchill était en fait explicitement et ouvertement favorable au fascisme avant la seconde guerre mondiale, notamment en Italie.


Ce n’est pas tout à fait vrai. Il voyait le fascisme avant tout comme un moyen efficace de lutter contre le communisme, qu’il abhorrait par dessus tout. En plus, ces phrases datent des débuts du fascisme, quand ces régimes n’avaient pas encore provoqué de guerres.

Churchill détestait le communisme mais il a compris que le nazisme était un danger plus grand encore, aussi a t-il tenté d’influencer les relations étrangères pour parvenir à un accord avec Staline, qui a finalement préféré nouer une alliance avec Hitler quand le Royaume-Uni a refusé de laisser l’URSS dévorer la Pologne en contrepartie de son alliance.



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