Commentaire de Christian Labrune
sur VIDÉOS : Booba et Kaaris, « artistes » du XXIe siècle, foutent le dawa à Orly


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Christian Labrune Christian Labrune 5 août 2018 13:04
@Paul Leleu

J’ai beaucoup de mal à vous suivre ! « La véritable admiration est historique », disait Renan, et Baudelaire reste un homme du XIXe siècle qu’on ne saurait tenir pour responsable des divagations de notre époque même si beaucoup de commentateurs ont pu faire remarquer, à juste titre, qu’il était à l’origine d’une sorte de révolution esthétique. Mais ses successeurs sont des gens comme Mallarmé ou Apollinaire, qui attachent la plus grande importance à l’intelligibilité du texte, fût-il hermétique. Rien à voir avec les productions assez fumeuses d’un Rimbaud et, beaucoup plus tard, avec le surréalisme.

Il y a du stoïcisme dans Baudelaire ; Il lui vient d’Alfred de Vigny, mais la philosophie et la poésie sont quand même deux domaines assez éloignés, et l’originalité de Baudelaire aura été précisément de rompre avec une certaine verbosité de la première génération romantique, laquelle n’hésitait pas à mettre en vers les idées, d’une manière quelquefois laborieusement pédagogique.

Le spleen baudelairien n’a plus rien à voir non plus avec les jérémiades romantiques. C’est autre chose. Cela s’articule, certes, à une vision du monde très marquée par un certain pessimisme chrétien auquel nous ne sommes plus guère sensibles, et son satanisme peut bien nous faire sourire, mais je ne vois pas que cela puisse avoir un rapport avec le thème de la « médiocrité » : la misère baudelairienne est métaphysique, non pas sociologique, et il n’y a aucune dénonciation, chez ce réactionnaire, de ses causes politiques. Sans doute, le monde le dégoûte, mais ce n’est pas à cause des structures de la société, c’est parce que les hommes sont ainsi faits qu’ils préfèrent et préfèreront toujours l’esclavage à la liberté (relisez Recueillement). Il n’y a donc chez lui rien qui témoigne d’une logique du ressentiment si répandue dans la littérature sociale de son temps. Sa vision du monde, au contraire, est élitiste en diable avec, tout en haut de la hiérarchie des hommes, le poète, le prêtre et le soldat. En 48, il était bien monté sur la barricade, mais c’était par haine de son beau-père le général Aupick, engagé dans les forces de répression, et c’était, comme il le dira plus tard, non pas pour faire la révolution, mais « pour faire le mal ». Là encore, cette proposition peut bien nous faire sourire, mais c’est que Baudelaire ne peut pas être considéré comme un penseur du politique. Il voit son siècle comme une époque de profonde décadence ; il n’y voir pas de remède, et j’ai bien l’impression que s’il ressuscitait, il serait plus encore horrifié par la nôtre.


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