Commentaire de Luc-Laurent Salvador
sur Lettre ouverte à mes collègues profs


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2019 11:28
@ l’auteur,


Vous faites l’effort d’essayer de comprendre ce qui se passe dans l’éducation et, donc, en soi, votre tentative est louable car révélatrice d’un sens des responsabilité. Mais elle apparaît néanmoins candide à celui qui a depuis longtemps fait le travail de s’éloigner des normes de pensée afin de mieux en juger. Il est clair que vous resté enfermé dans votre cercle épistémologique et que chacun des points de votre argumentation pourrait être mis dans une perspective révélatrice de ses faiblesses sans parler des points que vous n’abordez pas.


Ou, plutôt si, parlons-en, juste un seul, que vous avez complètement manqué alors qu’il est essentiel ; je vois le tous les jours, partout, ça se généralise complètement : les enseignants savent de moins en moins tenir leur classe, ils ne savent plus éduquer, ils sont de moins en moins capables de gérer les comportements individuels et collectifs, ils sont de plus en plus en souffrance sous ce rapport et de moins en moins disponibles pour les apprentissages et, surtout pour la nécessaire différenciation pédagogique de sorte que de plus en plus d’élèves, les plus fragiles, sont laissés sur le bord du chemin dans un état proche du handicap social et psychologique tellement l’incapacité à s’adapter à leurs besoins engendre chez eux une incapacité à penser, à s’exprimer, à agir de manière adaptée.

En disant cela, je ne jette pas la pierre aux enseignants car vous avez raison sur la plupart des points que vous avez soulevé mais, encore une fois, il faut pointer cette incapacité actuelle de l’enseignant sous le rapport de l’éducation (opposé ici à la seule instruction). Il y a absence DRAMATIQUE de formation à ce sujet. Les enseignants ne savent pas ce qu’est un cadre éducatif, ils n’ont que de vieux réflexe imités d’ici ou là et chacun se débrouille comme il peut avec toujours ce principe du « pas de vague » qui garantit l’absence de tout soutien de la part de la hiérarchie.

Bref, tout cela est dramatique, misérable et se perpétue par l’incapacité des enseignants à reconnaître qu’ils sont défaillants. Ce qui veut dire que le « pas de vague » a aussi été intériosé par l’enseignant lui-même qui est dans une défense narcissique jusqu’au boutiste car il ne veut pas se reconnaître en échec.

C’est pourtant ce que tout bon professionnel est capable de faire : reconnaître ses limites et demander de l’aide, passer le relais à des spécialistes.

Faute de reconnaître le tableau que je décris, les enseignants jettent  les pierres à droite et à gauche, incriminent qui les élèves, qui les parents, qui la hiérarchie de sorte que tout le système est doucement en train de s’effondrer et de rouler vers le chaos sans que personne ne parvienne à s’accorder sur la cause efficiente.

Permettez moi de la formuler : le premier devoir de l’autorité, c’est la sécurité. Il n’y en a quasiment aucune dans les établissements scolaires. La violence est reine et ne fait que croître. Il manque un cadre éducatif qui permette à chacun d’être à sa place, de se sentir protégé et aussi contenu par des sanctions JUSTES, ce qui veut dire CONVENUES PAR TOUS, de manière démocratique.

En fait il manque à l’école une forme d’éducation qui soit pleinement et entièrement démocratique plutôt fonctionnant encore et toujours dans l’Ancien Régime, dans lequel les sanctions sont laissées à l’arbitraire d’un pouvoir adulte qui se croit aussi tout-puissant qu’il s’imagine bienveillant et JUSTE.

La régulation du comportement est le problème n°1 dans l’éducation comme il l’est dans la société, ainsi que nos gouvernants le savent bien. Le constant d’absence de démocratie au plan de la société dans son ensemble explique que le même constat doive être fait dans l’éducation et que la solution dans l’un et l’autre cas soit d’arriver à une démocratie réelle.

Voilà la cause des causes, celle sur laquelle nous pouvons agir car elle est susceptible de faire consensus et, par conséquent, d’amener une action résolue et énergique sans laquelle aucun changement véritable ne peut avoir lieu.

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