Commentaire de tiers_inclus
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tiers_inclus tiers_inclus 7 avril 2019 12:54

@Gollum

C’est une saisie pure, évidente. 


Nous voila bien avancé. Vous pourriez dire la même chose d’un mirage dans le désert, même si cette saisie relève d’un méta mirage.

Je n’ai pas développé les objections à Husserl car ce sont les mêmes que pour Descartes. Il est allé un peu plus loin que Descartes avec l’abstraction du mental, mais c’est arrêté en chemin. 

Il y a pourtant plein de situations dans la vie où l’oubli de ce je est patent.
C’était une des objections de Sartre. 

« Pure » est un concept relatif, rien n’est pur ni impur. « Evidente » est une auto référence toujours relative. Ce moi transcendantal par définition ne peut supporter aucun épithète, aucune substance, aucune propriété, il est un relata construit sur le paradigme que les phénomènes, bien appréhendés par Husserl, consistent en relatas alors qu’ils ne sont que relations qui produisent les relatas.

Les relations, seulement les relations d’où le monisme bouddhiste. Que dire de ces relations, sont -elles figées, bien sûr que non, elles changent.

Ce paradigme du changement est-il arbitraire, non, car il est observé, la physique nous l’impose par la superposition d’états et le principe d’incertitude. En revanche je ne suis pas sûr que le Tout change, voila un bien étrange paradoxe, mais il est concevable que le Tout soif figé et ses parties changeantes (localement même si ce référentiel spatial est abusif). Le Tout serait alors une superposition des possibles, les réifications se faisant par subsumations locales.
Ce paradoxe apparaît en physique avec l’équation de Wheeler-Dewitt, qui conduit à un « monde » sans temps et pourtant changeant. Un Tout à l’entropie constante, et des parties à l’entropie croissante.

Une autre façon de le voir c’est qu’il n’y a pas de Je possible sans le monde extérieur, les deux relatas sont coproduits. Ceci relève de la notion bouddhiste d’interdépendance.

Ce moi transcendantal serait alors hors de l’espace, du temps, et de la matière dans l’acception conventionnelle, comment lui attribuer une identité, comment lui attribuer une forme, des limites, une différenciation ? 

C’est en cela que la « saisie » husserlienne me semble être un leurre de plus, comme la méditation soutenue nous invite à ce constat des leurres récurrents.

Cette tentative de faire toucher du doigt la vacuité est en fait vaine par le langage et la pensée. L’étude du catuskoti permet de l’appréhender, et surtout sa version négative. Le non bouddhiste n’est pas un non qui sous-tend autre chose, c’est un non définitif, sans substitution, reconnaissant en cela bien évidemment les limites du langage (cela nous pouvons l’atteindre par la logique classique) mais les limites de l’appréhension humaine en tant que relata réifié, immergé, coproduit. 
Comment entrevoir une libération, il faut sortir du cycle des souffrances et désirs, comment sortir du cycle, lâcher prise et notamment sur le Je. En fait personne n’est libéré, personne ne se libère, en lâchant prise on en fait que cesser d’alimenter une méprise,une résistance par erreur comme la mouche. Comment un bodhisattva peut revenir à la méprise sans s’y attacher, par compassion ? Parce que tous les mondes possibles lui sont ouverts, parce qu’il incorpore une méprise, exactement comme lorsque nous regardons le cube de Necker après avoir perçu son caractère illusoire. Mais cela ne dépend pas, à mon avis, d’un moi, ou même d’une volonté mais seulement d’une opportunité, peut-être est ce la raison de la rareté du phénomène ? En cela je m’écarte un peu de la vue classique.

C’est bien ce que je dis. C’est la seule réalité.

Alors elle s’appelle vacuité. Mais la vacuité n’est pas une réalité.

On peut très bien saisir le Je par intuition directe sans s’y attacher. 

Cette saisie consiste justement en l’attachement primordial. Après on ne peut plus que faire appel à ce pseudo moi transcendantal pour s’en détacher et c’est bien évidemment contradictoire. Le lâcher prise étant le remède. Husserl a juste omis d’appliquer les catégories phénoménologiques à lui même. Enfin un dernier point la vacuité est vacuitaire, s’y attacher relève aussi de l’erreur et de l’ignorance au sens bouddhiste.


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