Commentaire de Christian Labrune
sur Israel Finkelstein, Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée


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Christian Labrune Christian Labrune 14 août 2019 13:18

Un article très intéressant, surtout sur ce site très salement antisémite où des gens qui n’ont jamais lu le bouquin en recopient souvent tel extrait trouvé dans un site de propagande (par exemple à propos de murailles de Jéricho) pour dire : la Bible n’a aucune espèce de rapport avec la réalité. Peu s’en faudrait qu’ils n’y ait donc jamais eu de peuple juif dans la région, même si les royaumes de Juda et d’Israël ont eu, pour quiconque connaît l’histoire, la même réalité que n’importe quel règne de tel pharaon égyptien des époques intermédiaires dont on n’a qu’une connaissance lacunaire. 

Ce qui est extrêmement ridicule et affligeant et on verra peut-être bien ça dans les commentaires c’est que les mêmes qui dénient à la Bible toute pertinence historique s’appliqueront à dénoncer l’extrême violence de certains livres bibliques (livre de Josué, livre des Juges) comme s’il fallait y voir un récit quasi journalistique relatant les événements d’une époque où un Josué parvient quand même à obtenir de Dieu qu’il arrête le soleil dans sa course !

En fait, le type de récit qu’on trouve dans la Torah doit énormément à une tradition littéraire que les scribes qui l’ont composée connaissaient probablement très bien : celle de l’ancienne Egypte. On retrouve dans le livre de Josué par exemple tous les stéréotypes des textes écrits sur les murs des temples à la gloire des pharaons, tel celui qui raconte, par exemple, la bataille de Qadesh où Ramsès II environné d’un bon millier d’ennemis parvient à les massacrer tous et à rejoindre son armée dont il s’était imprudemment éloigné. Depuis la palette de Narmer, plus de trois mille ans avant notre ère, on a constamment reproduit sur les socles des statues des pharaons ou sur les sarcophages l’image du pharaon massacrant au moyen d’une massue des prisonniers aux bras liés derrière le dos, mais cela ne correspondait guère à la réalité des pratiques guerrières connues, et il n’y a que Touthmosis III qui se soit livré à ces sortes d’exactions, pour faire un exemple en massacrant des chefs vaincus. Bref, si on ne connaît pas très bien les civilisations de l’époque, on ne peut pas comprendre grand chose au texte biblique. Je signale au passage la très intéressante exposition, au Louvre actuellement, sur l’empire des Hittites.

Sur la question de Moïse et de la sortie d’Egypte, par exemple, on ne saurait trop recommander la lecture du bouquin de Frédéric Servajean consacré à Meremptah, le successeur de Ramsès II. Il faudrait lire aussi tout ce qu’on a pu écrire (mais c’est peu de chose) sur le règne de Psousennès Ier, autour de mille ans avant notre ère, à l’époque de la naissance du royaume d’Israël.


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