Commentaire de Robin Guilloux
sur Israel Finkelstein, Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée


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Robin Guilloux Robin Guilloux 15 août 2019 09:28

@Christian Labrune

Vous savez que le mot « visage » en hébreu (Panim) est au pluriel (= les visages)... La Bible prête à Dieu plusieurs visages, un visage de violence et un visage d’amour. Marcion et Simone Weil se sont arrêtés au visage négatif de Dieu dans ce que les chrétiens appellent l’Ancien Testament et les Juifs la Torah.

Ils ont évidemment raison de refuser ce visage-là (qui est d’ailleurs aussi l’un des nôtres)

Mais toute la question est de savoir s’il faut prendre la Bible comme un bloc ou faire la différence. Les Pères de l’Eglise ont refusé de suivre l’interprétation (antisémite) de Marcion et de voir une coupure absolue entre le « message » de la Bible et celui de Jésus.

Prenez l’histoire de Caïn et Abel. Dans la mythologie romaine, les dieux donnent raison à Romulus d’avoir tué son frère, pas le Dieu de la Bible. On a donc des passages qui justifient la violence fondatrice (Josué) et des passages qui la rejettent (Caïn et Abel). C’est très curieux et très intéressant d’un point de vue anthropologique. 

Comme le montrent les auteurs de La Bible révélée, il y a dans le Deutéronome des passages qui manifestent un souci des plus pauvres et des plus fragiles tout à fait nouveau à l’époque... L’histoire du jugement de Salomon est un petit chef d’oeuvre éthique, etc. 

Comme disait Paul Ricoeur : « le symbole, c’est ce qui donne à penser ». La Bible ne dit pas la vérité historique (l’Histoire,au sens moderne du mot comme « enquête », reconstitution du passé a été inventée par les Grecs) mais « donne à penser ». C’est pourquoi, dans le judaïsme, la Torah orale (l’interprétation de la Torah écrite) est plus importante que la Torah écrite. Elle se fait à deux, dans un dialogue où chacun y va de son interprétation.

La vérité, comme le dit Merleau-Ponty à propos de Socrate, n’est pas à toi ou à moi, mais entre nous, dans le dialogue même qui essaye de l’instaurer. La vérité n’est pas un propriété, elle réside dans une intersubjectivité qui la cherche. 


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