Commentaire de Séraphin Lampion
sur Voyage au pays des mots latins...


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Clark Kent Séraphin Lampion 6 juin 2020 11:06

@babelouest

On sait en effet que certaines couches de la toponymie française ne se rattachent ni au gaulois ni au latin, ce qui ne veut pas dire qu’ils se rattachent à une langue « pré-indo-européenne », mais peut-être à une langue « non-indo-européeene » (comme le basque, le finnois ou le magyar) : le mot sardo-corse g(i)aggaru « chien » peut correspondre à la fois au basque xakhur et au caucasien chakur/džogor.

Les substrats ne relevant pas du monde celtique concernent souvent les noms les plus anciens comme ceux de rivières et de montagnes. A racine « bar » fait partie des thèmes les plus anciens au même titre que kar/kal ou kuk/tsuk. Il s’agit de racines dont on est parvenu à déterminer la signification sans en connaître l’origine. Si « karlkal » ( roche) est bien connu au Pays Basque , il fourmille aussi ailleurs pour désigner des hydronymes (Garonne, Gaillarde, etc.) faisant allusion à des rivières pierreuses (cf. le Cher, avec palatalisation). C’est également le thème qui figure dans le nom des Carpathes. Si la racine « kuk/tsuk » (pic, hauteur, sommet) est très répandue en France avec ses nombreuses variantes et graphies diverses (Cucq, Suq, Suc, Tuc, etc.), elle l’est aussi dans les Balkans, comme « mal » (montagne) connu des Pyrénées à l’Albanie (Vignemale ; alb. mal « montagne »).

Le nom ancien du Lot qui est Olt et coïncide avec celui d’un fleuve de Roumanie. L’ancien fleuve Nestos de Thrace évoque les nombreuses Neste des Pyrénées.

Le fleuve russe Oka a le même nom qu’une rivière qui coule en Sibérie, non loin du Lac Baïkal, régions occupées depuis longtemps par des populations non slaves avant l’arrivée de ces derniers. Les langues de la Sibérie comme le toungouse ou le samoyède, possèdent les termes oka, oko-, okat/okad dont le sens est « fleuve, cours d’eau ». Ils sont peut-être à leur tour apparentés au finnois joki/joke « rivière ». Mais le plus étonnant est la rivière Oka qui coule en Biscaye…

La racine « bar », elle, est à la fois gauloise et pré-gauloise et présente beaucoup de variantes sur le territoire français : bal-, par-, pal-, bor-, bol-, et a donné barre, barrière et même l’anglais bar « établissement de boisson » (à cause de la barre qui formait le comptoir).

On a pu déterminer le sens primitif de cette racine comme celui de « hauteur » ou « barre montagneuse » ou plus anciennement encore «  hauteur boisée ». On considère bar et ses dérivés comme des mots gaulois ; le radical barro- existe en gaulois et signifie « extrémité boisée », mais si Bar-sur-Aude, Bar-sur-Seine, Bar-le-Duc sont vraisemblablement celtiques, ce n’est pas le cas pour Barles ou de Barras, deux localités des Basses-Alpes où la présence des Gaulois n’est pas du tout évidente !

En fait, cette racine fait partie de celles qui ont été transmises par le gaulois, qui sont devenues gauloises, mais que le gaulois avait lui-même puisées dans un substrat antérieur qui peut se rattacher pour certains chercheurs à une vieille souche ouralo-altaïque, des populations dites « mongoloïdes » présentes en Europe avant l’arrivée des « Indo-Européens ».


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