Commentaire de Laconique
sur Selon la Bible, l' Éternel a donné le Pays de Canaan aux Hébreux, puis l'a restitué aux 'Arabes'. Ceci bien des siècles avant Jésus-Christ


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Laconique Laconique 23 mai 2021 11:08

@JPCiron

Merci pour votre réponse et pour tous ces éclairages,

J’apprécie vos qualités d’expression, le sérieux de vos articles, la rigueur avec laquelle vous scrutez les Écritures, votre courtoisie dans les échanges. Mais selon moi votre démarche est caractéristique des terribles malentendus qu’il peut y avoir dans le rapport aux Écritures. Et sans le vouloir, vous avez le même rapport aux Écritures - « je lis, je comprends, je transpose sans le moindre travail d’interprétation » - que les fondamentalistes de tous bords. C’est une terrible ironie que les « éclairés » et les fondamentalistes aient au fond le même rapport au texte.

Il faudrait des articles entiers pour vous répondre. Très très brièvement (d’autant que mes réponses précédentes n’ont pas semblé vous émouvoir aussi peu que ce soit) : le Dieu biblique n’est pas logique, impassible, ce n’est pas le Dieu des philosophes. C’est un Dieu avec lequel on peut dialoguer. Ce n’est pas la fatalité des Grecs. Effectivement on peut le faire changer d’avis, comme Abraham au moment de la destruction de Sodome et Gomorrhe, ou Moïse qui le détourne d’exterminer les Hébreux. Tous les psaumes sont un dialogue avec Dieu. Nous ressentons une telle insécurité existentielle, nous avons un tel besoin de cohérence, de logique, de nous assurer de l’avenir, que nous ne pouvons pas concevoir que Dieu ne soit pas cohérent. Mais la logique, tout comme la morale, sont des inventions humaines, pour nous rassurer, mais Dieu est au-dessus de cela, il est écoute, miséricorde (étymologiquement « cœur qui souffre »). Les menaces de Dieu ont une fonction précise : c’est d’amener à la conversion. Le petit livre de Jonas est une vraie leçon à cet égard : Dieu a décidé de détruire Ninive dans quarante jours, c’est comme ça, c’est décidé, mais toute la ville se convertit, et Dieu change d’avis, « Dieu se repentit », c’est écrit noir sur blanc. La menace est toujours un appel à la conversion, c’est sa seule fonction, c’est évident dans tout le Nouveau Testament.

Un dernier point : votre rapport littéral au texte montre que vous n’avez pas du tout saisi la démarche globale de l’Écriture. Même si les mots restent les mêmes, leur sens change avec le temps. Une phrase aussi simple que : « Je vais chercher le pain » n’a pas tout à fait le même sens en 1960 qu’en 2021. Les connotations sont différentes, le contexte est différent, les usages sont différents, d’un point de vue existentiel, vécu, ce n’est pas tout à fait la même chose. Alors vous imaginez à 2500 ans de distance ! Le langage ne traverse pas les siècles sans être altéré, il y a un travail à faire. La Loi n’est pas un bloc intangible, il y a tout un travail dialectique par rapport au texte, les prophètes critiquent la loi, tout le mouvement de la Révélation consiste à préserver le contenu substantiel de la Parole de Dieu en s’affranchissant de son expression littérale. Le Christ a passé sa vie à interpréter les Écritures, depuis sa fuite au Temple à l’âge de douze ans à sa leçon aux disciples d’Emmaüs après sa résurrection, interpréter les Écritures contre les pharisiens qui, comme vous, avaient le nez collé au texte. C’est toute la démarche globale de la Révélation, qui vous échappe. Ce qui n’est pas vécu est lettre morte. 

Je suis à peu près sûr que tout ce que je viens d’ écrire aura à peu près le même effet sur vous que si j’avais pissé dans un violon. Je ne me fais guère d’illusion à ce sujet, les gens se croient toujours plus malins que Dieu, c’est quasiment incurable. Mais au moins j’ai fixé ces idées-là et je pourrai vous les ressortir au besoin... 


Voir ce commentaire dans son contexte