Commentaire de Bernard Grua
sur Comment une région déshéritée d'Afghanistan sombre dans la famine sous la férule des Taliban ?


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Bernard Grua Bernard Grua 13 septembre 2021 15:53

@DACH
Je comprends que la défaite américaine peut réjouir certains. Je le comprends sincèrement. Mais je pense, malgré tout, qu’on ne peut pas se limiter à cette vision. Comme je l’écrivais en introduction.

Ceux qui exultent à ce qu’ils considèrent comme la défaite de Washington n’en sont pas moins indignes. La lointaine Amérique s’en remettra. Mais le malheur sera porté, sur place, par les plus pauvres.

S’agit-il d’une défaite telle qu’on l’entend habituellement ? Au cours de l’année écoulée, l’Amérique n’a perdu aucun soldat en Afghanistan (avant sa fuite de Kaboul). Une défaite sans bataille perdue en est-elle vraiment une ? Les Américains auraient encore pu tenir Kaboul pendant des années. Ils ont fait le choix judicieux de s’en aller. Même si leur départ s’est déroulé de façon extraordinairement lamentable.

A supposer qu’il y ait eu une défaite, qu’elle est l’importance de celle-ci ? Rappelons que les US ont perdu la guerre du Viêtnam, que cela s’en est suivi d’une période de prospérité et que 15 ans après l’Amérique a gagné la guerre froide.

Pour l’Afghanistan, précisément. Il faut se souvenir des deux défaites britanniques. En janvier 1842, les Britanniques évacuent Kaboul avec 16 500 personnes. Toute la colonne est massacrée à l’exception d’un seul survivant.
En 1879, Kaboul se soulève et massacre le consul britannique, sa garde et ses collaborateurs.
À l’issue, les Britanniques se sont retirés définitivement d’Afghanistan. Pourtant, malgré cette défaite, l’Afghanistan est resté un protectorat britannique jusqu’en 1919. Le Royaume-Uni avait le plein contrôle de ses relations étrangères. Les Russes ne purent plus mettre le pied en Afghanistan. Et les Afghans ne purent pas récupérer la province de Peshawar peuplée de Pachtounes. De plus, ces deux plus grandes défaites coloniales de l’empire britannique au cours du XIXe siècle ne l’ont pas empêché d’être la première puissance du globe jusqu’à la Première Guerre mondiale.

J’ajoute, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire, que les Occidentaux n’ont plus besoin de l’appui du Pakistan pour se maintenir en Afghanistan, puisqu’ils l’ont quitté. Il me semble que l’euphorique Islamabad, de plus en plus isolé, n’a pas pris la pleine mesure de la redistribution des cartes.

Donc, je crois, qu’il faut prendre du recul par rapport à la piteuse fuite américaine.

La Russie ne se réjouit qu’à moitié. C’est son étranger proche, l’Asie Centrale qui risque d’être déstabilisé. Le Pakistan s’est flanqué à dos ces Etats et, plus gravement, son allié iranien.

La Chine peut tirer les marrons du feu sous réserve que les Taliban soient fermement installés. Le cas échéant, elle les soutiendra, quitte à multiplier ses spoliations grâce au piège la dette. Le bien-être de la population afghane est le cadet de ses soucis.

 


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