Commentaire de velosolex
sur Le suicide : un tabou éternel ?


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velosolex velosolex 11 mars 2022 02:05

Merci pour cette bouffée d’air frais. Ce n’est pas de l’humour noir. Car la mort parle de la vie, de sa fragilité. Dans l’ambiance crépusculaire où certains articles ici banalise la mort collective, et parviennent même pour certains à soutenir un paranoïaque tirant sur les enfants, rien de mieux que de revenir au niveau des destins individuels. Curieusement d’ailleurs, les gens se donnent moins la mort dans ce genre de drame. Les questions existentielles et les névroses disparaissent au bénéfice de l’instinct de survie. Ces expériences d’ailleurs peuvent sauver certains de la dépression. La guérison est un phénomène étonnant parfois et ne tient pas qu’aux soins, ou à des cures quelconques. Je me souviens d’une malade qui était sortie de sa dépression et de son alcoolisme, qui est parfois une forme de suicide, d’une curieuse façon. Amenée en gastro pour une cirrhose décompensée, elle s’en était tout de même sortie, à la surprise de tous, et tout autant de son mari, à qui on avait dit de se préparer au pire. En rentrant chez elle, elle rentra dans sa chambre, et vit le lit couvert d’un drap noir et entouré de catafalques mortuaires. 

« Ben oui, dit son mari. On m’avait dit de me préparer.... »...Sans doute se vit elle allongée et morte, d’une façon indiscutable, sans pouvoir esquisser que cette mort était admise chez les autres. Cela provoqua donc un catharsis, un bousculement de la représentation de la mort, qui la sortit de cette attraction névrotique pour l’alcool. Ceux qui s’en sont sortis, et c’est souvent malgré tout le cas, après une expérience de coma douloureuse, sont parfois transfigurés, même atteint d’un lourd handicap lié à la TS, et retrouvent gout à la vie mystérieusement, comme autant d’Orphée remontant des enfers vers la lumière. Les mythologies et les contes mettent les enfants et les grands au parfum de la mort par des constructions imagées. Quel est cet étrange coma au château de le belle au bois dormant ? 

Quand ils se réveillent, la plupart effectivement disent qu’ils n’ont pas voulu mourir, mais mettre un terme à quelque chose d’insupportable. Ils sont content de s’être ratés. C’était une erreur d’aiguillage. Le raptus n’est que cet instant de seconde, où n’importe qui peut sombrer, et faire un geste fatal, lié à une cause qui l’empêche de supporter l’épreuve de l’affrontement plus longtemps. C’est à tort qu’on lie un romantisme glauque à ce geste, qui serait de l’ordre d’une détermination mystérieuse, qui ne laisse que des orphelins, et qui peut entrainer des répliques en chaine chez les autres, et et les descendants, si on ne l’analyse pas pour ce qu’il est. Car c’est un phénomène de morbidité contagieuse qui atteint parfois certains se sentant condamnés d’avance à répliquer le modèle qui fut fatal à deux générations avant eux. « Virgin suicides » est un film américain fait sur ce thème

Un malaise qui peut être mortel comme un anévrisme si on le soigne pas à temps, de façon systémique. Je viens de lire le beau livre de Primo Levi « Si c’est un homme »...Un livre terrible sur les zones grises de l’humanité qu’il a parcourues. Primo Levi se serait suicidé en 87. Certains à l’époque ont vu cette mort comme une trahison de son œuvre, une vie résiliente située dans le combat après son expérience d’Auswitch. C’est à tort, car la vie n’a rien d’un fil linéaire, où un trébuchement n’est pas possible, et ne met pas une sorte de conclusion négative à une vie singulière, qui serait une forme de bilan.. Et d’autre part comme le révélera un livre enquête bien plus tard, parce qu’il est fort possible que Primo Levi, qui avait une santé physique chancelante soit simplement tombé, la rembarde étant très basse. 

Le plus insupportable, c’est le suicide des enfants. Nos défenses et nos analyses volent en éclat. 


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