Commentaire de Laconique
sur Jankélévitch : un philosophe très pharisien ?


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Laconique Laconique 22 juillet 2022 21:03

Ma foi, en digne héritier de Girard, vous devez être sensible à la dimension littéraire des textes, et savoir qu’un texte ne se limite pas à son énoncé brut, mais qu’il est enrichi par tout un ensemble de sous-textes, paratexte, résonances intertextuelles, etc. D’où le travail d’interprétation du lecteur, qui est essentiel. Sinon on tombe dans le littéralisme, ce qui est précisément ce que vous me demandez en exigeant des citations. Je ne suis pas sûr que Girard, qui a écrit sur Proust, aurait apprécié votre dénigrement de la poésie !

Mais vous voulez des citations, en voici :

le 7/10/21 : « Depuis le temps que j’entends parler d’Ellul comme un auteur à lire, même de la part de girardiens, vous m’avez guéri instantanément. Quelqu’un centré sur spécificité de la Révélation faite à Israël est d’emblée suspect à mes yeux (…). C’est bien pour ça que j’aime le travail très chrétien de René Girard, il se contrefout des spécificités comme des 400 variétés de fromages français, il dégage les universaux et il a raison. »

le 22/07/22 : « Ce qui, fatalement, ne peut pas ne pas rappeler le statut d’éternelle victime qui, au cours de l’Histoire, s’est ancré dans l’inconscient juif. »

« En effet, la victime n’apparaît-elle pas innocente et, donc, tout naturellement, pure (ce qui est toujours flatteur pour l’égo) ? Ainsi, comme je l’ai pointé dans un précédent article, on doit se demander quand a-t-on le plus besoin de prendre une telle posture qui innocente si ce n’est quand on se sent le plus coupable, en grand besoin de se blanchir ? »

« Il est aisé de vérifier que les Juifs sont le seul peuple explicitement identifié et protégé par les principales législations nationales et internationales de cette planète — car si le terme racisme est général, celui d’antisémitisme leur est spécifique. De sorte qu’il leur est impossible de se faire passer pour de«  laissés-pour-compte du sens de l’Histoire » comme le laisse entendre Berlowitz. Tout au contraire, comme disait si bien Manuel Valls, ils sont à « l’avant-garde de la République » — et ce n’est pas une position de laissés-pour-compte. »

« Il pourrait être l’inventeur du pire amalgame qui soit, celui qui, totalitaire en diable, est capable de réduire au silence toute critique d’Israël en la déclarant par avance antisémite. » 


Eh bien, en usant de tous les outils herméneutiques à ma disposition, et en considérant ces textes ainsi que leurs connotations, leurs résonances intertextuelles, etc., je me fais, en effet, et je le répète, une idée assez précise de votre position quant à l’attitude idéologique que, selon vous, les chrétiens doivent adopter à l’égard de l’Ancienne Alliance et de ceux qui s’en réclament. Ce n’est vraiment pas difficile de vous situer !


Maintenant, je vais vous citer des passages de Ce Dieu injuste ?, de Jacques Ellul, qui s’est toujours efforcé de rester proche de l’Écriture (quitte à énoncer des réserves quant aux « universaux » que vous semblez tant apprécier :

p. 52-53 : « Il faut donc rejeter nettement l’opinion selon laquelle ces privilèges seraient maintenant passés d’Israël à l’Église (ce que l’on entend souvent). C’est précisément ce que Paul ne dit pas ! Et j’ai le sentiment que cette énumération a pour but d’affirmer qu’Israël n’est déchu d’aucun des droits, privilèges et grâces que Dieu lui avait accordés. Ce qui est, au contraire, admirable, c’est que les chrétiens soient, par grâce, eux aussi appelés désormais à participer à ces privilèges. (…) Les chrétiens peuvent seulement rendre grâce à Dieu pour ce don qui leur est fait et considérer avec respect et gratitude les privilèges d’Israël auxquels, maintenant, ils ont part. »

p. 142 : « Le peuple d’Israël reste un peuple unique et singulier. Il est le porteur de cette promesse d’un monde nouveau. »

p. 186 : «  Le juif est le témoin permanent de Dieu présent dans le monde, et comme tel, une « preuve de Dieu ». On ne peut expliquer la permanence du peuple juif que si l’on admet que Dieu lui-même se tient derrière son peuple comme défenseur. »

p. 187 : « L’existence du juif (bien plus que celle de l’Église) met en cause cette idéologie scientiste : depuis que l’on a inventé l’histoire, on lui a découvert une logique : Hegel ou Marx. Et voilà que le juif se met en travers de cette belle philosophie : le juif n’entre pas dans la dialectique de l’histoire. C’est pourquoi Hegel parle de la « Sombre énigme d’Israël, et Marx est antisémite !  »

p. 194 : « Malgré le « rétrécissement » christologique de l’Église historique, Israël n’a pas cessé, même après le Christ, d’être, par des souffrances effroyables, le « serviteur de Dieu » expiant avec le Christ les péchés du monde. (…) Ainsi, même après le Christ, Israël a une fonction de salut universelle dans le monde. Israël et l’Église sont inséparables pour le témoignage complet à rendre au Dieu d’Abraham et de Jésus. »


Pourriez-vous me dire comment vous vous positionnez par rapport à ces citations, qui ne sont, je le rappelle, qu’une exégèse et une paraphrase de Rm 9-11 ?


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