Commentaire de microf
sur L'aveu de Merkel ou le caillou dans la botte otanesque (Partie I)


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microf 6 janvier 2023 14:37

@Mozart

Vous avez écrit ceci « pourquoi tant de vos compatriotes se précipitent chez nous ? »
C´est très simple á repondre, c´est parceque lá oú il ya de la pouriture, les mouches affluent en grand nombre, cela même si vous ne connaissez pas beaucoup, cela au moins vous le savez.

Vous avez écrit ceci " Parce que la colonisation, avec l’injustice qui en résulta, apporta à l’Afrique des routes, des chemins de fer, de l’électricité, des ports, une agriculture, une industrie, le téléphone....

« 
Voilá la reponse :

 » On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemi ns de fer.

Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. J e parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.

Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouilleinent, le désespoir, le larbinisine.

On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés.

Moi, je parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.

On se targue d’abus supprimés. Moi aussi, je parle d’abus, mais pour dire qu’aux anciens- très réels - on en a superposé d’autres - très détestables. On me parle de tyrans locaux mis à la raison ; mais je constate qu’en général ils font très bon ménage avec les nouveaux et que, de ceux-ci aux anciens et vice- versa, il s’est établi, au détriment des peuples, un circuit de bons services et de complicité.

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Aimé Césaire : Discours sur le colonialisme

On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification.

Pour ma part, je fais l’apologie systématique des civilisations para- européennes.

Chaque jour qui passe, chaque déni de justice, chaque matraquage policier, chaque réclamation ouvrière noyée dans le sang, chaque scandale étouffé, chaque expédition punitive, chaque car de C.R.S., chaque policier et chaque milicien nous fait sentir le prix de nos vieilles sociétés.

C’étaient des sociétés communautaires, jamais de tous pour quelques-uns.

C’étaient des sociétés pas seulement antécapitalistes, comme on l’a dit, mais aussi anticapitalistes.

C’étaient des sociétés démocratiques, toujours.

C’étaient des sociétés coopératives, des sociétés fraternelles.

Je fais l’apologie systématique des sociétés détruites par l’impérialisme.

Elles étaient le fait, elles n’avaient aucune prétention à être l’idée, elles n’étaient, mal gré leurs défauts, ni haïssables, ni condamnables. Elles se contentaient d’être. Devant elles n’avaient de sens, ni le mot échec, ni le mot avatar. Elles réservaient, intact, l’espoir.

Au lieu que ce soient les seuls mots que l’on puisse, en toute honnêteté, appliquer aux entreprises européennes hors d’Europe. Ma seule consolation est que les colonisations passent, que les nations ne sommeillent qu’un temps et que les peuples demeurent.

Cela dit, il paraît que, dans certains milieux, l’on a feint de découvrir en moi un « ennemi de l’Europe » et un prophète du retour au passé anté- européen.

Pour ma part, je cherche vainement où j’ai pu tenir de pareils discours ; où l’on m’a vu sous-estimer l’importance de l’Europe dans l’histoire de la pensée humaine ; où l’on m’a entendu prêcher un quelconque retour ; où l’on m’a vu prétendre qu’il pouvait y avoir retour.

La vérité est que j’ai dit tout autre chose : savoir que le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c’est au

13 Aimé Césaire : Discours sur le colonialisme

moment où l’Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules que l’Europe s’est « propagée » ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontrée sur notre route et que l’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire.

Par ailleurs, jugeant l’action colonisatrice, j’ai ajouté que l’Europe a fait fort bon ménage avec tous les féodaux indigènes qui acceptaient de servir ; ourdi avec eux une vicieuse complicité ; rendu leur tyrannie plus effective et plus efficace, et que son action n’a tendu à rien de moins qu’à artificiellement prolonger la survie des passés locaux dans ce qu’ils avaient de plus pernicieux.

J’ai dit, - et c’est très différent, - que l’Europe colonisatrice a enté l’abus moderne sur l’antique injustice ; l’odieux racisme sur la vieille inégalité.

Que si c’est un procès d’intention que l’on me fait, je maintiens que l’Europe colonisatrice est déloyale à légitimer a posteriori l’action colonisatrice par les évidents progrès matériels réalisés dans certains domaines sous le régime colonial, attendu que la mutation brusque est chose toujours possible, en histoire comme ailleurs ; que nul ne sait à quel stade de développement matériel eussent été ces mêmes pays sans l’intervention européenne ; que l’équipement technique, la réorganisation administrative, « l’européanisation », en un mot, de l’Afrique ou de l´Asie n’étaient comme le prouve l’exemple japonais aucunement liés à l’occupation européenne ; que l’européanisation des continents non européens pouvait se faire autrement que sous la botte de l’Europe ; que ce mouvement d’européanisation était en train ; qu’il a même été ralenti ; qu’en tout cas il a été faussé par la mainmise de l’Europe.

A preuve qu’à l’heure actuelle, ce sont les indigènes d’Afrique ou d’Asie qui réclament des écoles et que c’est l’Europe colonisatrice qui en refuse ; que c’est l’homme africain qui demande des ports et des routes, que c’est l’Europe colonisatrice qui, à ce sujet, lésine ; que c’est le colonisé qui veut aller de l’avant, que c’est le colonisateur qui retient en arrière."

Vous lirez tout ceci dans le Discours sur le colonialisme d´Aimé Césaire, un chef d´oeuvre de la Litterature qui devrait être enseigné dans les écoles francaises, hélas.


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