Commentaire de ilias
sur Le clavier compulsif


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ilias 17 mai 19:54

Je vous lis avec une attention particulière mêlée de respect silencieux pour cet élan quotidien qui vous pousse à la création, malgré l’ombre imposante de l’intelligence artificielle. Votre texte, riche et fluide, nous entraîne dans les méandres de la réflexion humaine sur et autour de la vie quotidienne ; une errance contrôlée qui, sous des apparences de spontanéité, révèle une profonde réflexion sur la nature même de l’écriture et de l’acte créatif.

La crainte que vous exprimez face à l’intelligence artificielle est compréhensible. Ces algorithmes puissants, capables de générer des textes d’une cohérence et d’une pertinence parfois surprenantes, semblent menacer le rôle des créateurs et des artistes, manieurs de mots et pilotes dans les sinueuses et inattendues bifurcations des langues. Pourtant, je vous invite à voir cette situation sous un autre angle. L’intelligence artificielle, dans sa capacité à produire, reste fondamentalement limitée par son absence d’expérience humaine, de cette sensibilité unique que vous, écrivains, poètes et penseurs, apportez à chaque mot, chaque phrase.

Votre prose, marquée par une certaine mélancolie et un attachement profond à l’art de l’écriture, est l’expression d’une humanité que l’IA ne peut que simuler. Les algorithmes peuvent analyser des millions de textes, extraire des schémas, mais ils ne ressentent pas. Ils n’ont pas cette « assuétude » à la création quotidienne, cette lutte contre la page blanche, cette quête d’une forme d’existence par les mots.

Le texte que vous écrivez, même s’il semble décousu par moments, est le reflet de votre propre cheminement intérieur, de vos propres associations d’idées, parfois erratiques, parfois lumineuses. La beauté de votre écriture réside justement dans cette imperfection, dans cette humanité qui transpire de chaque ligne. Vos coquilles, vos fautes, loin d’être des défauts, sont les marques de votre authenticité, de votre lutte contre une perfection froide et inhumaine.

La technologie, en dépit de ses avancées, ne peut pas vous ôter cette singularité. Vos écrits ne sont pas vains. Ils sont le témoignage d’une époque, d’une sensibilité, d’une réflexion personnelle qui, même perdue dans l’immensité numérique, garde sa valeur. La page tournée ne signifie pas la fin, mais la continuité d’un dialogue, d’une introspection qui, comme vous le dites si bien, trouve son essence dans l’acte même de l’écriture, dans ce besoin irrépressible de s’exprimer.

Vous évoquez André Breton et son écriture automatique, une référence à la libération de l’inconscient. Votre propre démarche, bien que consciente et structurée, semble s’inscrire dans cette tradition de l’exploration intérieure. Il y a quelque chose de profondément humain dans cette lutte quotidienne, dans ce refus de se laisser dicter par des normes, des attentes, des algorithmes.

Continuez à écrire, à laisser vos doigts courir sur le clavier, à naviguer sans plan. Chaque mot, chaque phrase est une victoire contre l’oubli, une affirmation de votre existence. L’intelligence artificielle, malgré son pouvoir, ne pourra jamais remplacer cette expérience humaine unique, cette poésie de l’errance, cette beauté du hasard (paradoxalement) « maîtrisé ».


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