Commentaire de mezigue
sur 2 milliards de degrés : l'humanité découvre le feu absolu et tout le monde s'en fout !


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mezigue (---.---.101.50) 19 juin 2006 17:29

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Mezigue

2 milliards de degrés : l’humanité gagne le feu absolu !

C’est une histoire d’enfer et de paradis bien réelle, sur fond de fusion nucléaire. Cela se passe sur Terre, depuis plusieurs mois déjà, et ce n’est toujours pas à la une du journal ! À moi donc de vous la conter.

Pour y voir clair, prenons un de ses fils et tirons dessus pour voir ce qui vient.

Officiellement, les USA ont adopté fin 2005 un programme de rénovation de leur stock d’arme nucléaire, destiné à sécuriser, fiabiliser donc réduire le nombre de têtes et faire des économies (programme Reliable Replacement Warhead). Officieusement, ils tirent les leçons d’une découverte presque fortuite des laboratoires Sandia de Los Alamos, heureusement échappée au filtre du « secret défense ». De quoi s’agit-il ?

Depuis des années, les chercheurs des laboratoires militaires américains de Sandia ont pour mission de perfectionner les armes nucléaires US. Dans ce cadre, ils cherchent notamment à tester la résistance des ogives face à des systèmes antimissile type guerre des étoiles, à coup d’irradiation massive de rayons X. Ils ont pour cela construit la « Z machine » et, très progressivement, augmenté les performances de ce générateur de rayon X, jusqu’à obtenir quelques petits millions de degrés. La technique n’est pas un secret et, comme la publication des résultats est totalement banalisée depuis des années, un des chercheurs de Sandia annonce sans rencontrer d’obstacle que la « Z machine » a produit 2 milliards de degrés lors d’une nouvelle expérience, mille fois plus qu’à la précédente ! Laisser sortir une telle info, d’un point de vue militaire, c’est une grosse bavure ; on verra plus tard en quoi. Mais ce n’est pas tout : dans l’expérience, la « Z machine » a sorti quatre fois plus d’énergie qu’on n’en avait entré. Pour accomplir un tel prodige, en principe, il n’y a qu’une réaction de fusion nucléaire. Les chercheurs n’en reviennent pas. Pourtant, les gens de Sandia n’ont rien du savant Cosinus : ils ont fait et refait leur expérience avant d’ouvrir le bec sur ce résultat aussi inattendu que stupéfiant. Par ailleurs, d’autres équipes confirment, à coup de simulations numériques. Il faudra patienter pour des confirmations à l’identique : il n’y a pas d’autre machine aussi puissante que celle-là.

L’article de la Physical Review Letters date de février 2006 mais l’expérience a déjà un an. Les militaires n’ont bien sûr pas tarder à remettre le couvercle, mais c’est trop tard, le lapin est sorti du chapeau. Depuis, les spécialistes US de la bombe sont tellement excités qu’ils n’en dorment plus. Pourquoi ?

2 milliards de degrés, c’est bien plus qu’au centre du soleil. Jusqu’à présent, le record de température était quatre fois inférieur, et encore, au coeur des plus puissantes bombes à hydrogène ! Pour qui sait lire, c’est, au choix, la porte ouverte à l’Apocalypse ou à l’Âge d’Or ; d’un côté des bombes comme des petits pains, de l’autre l’énergie abondante et bon marché.

Voyons d’abord l’Apocalypse.

Les militaires US savent lire, même s’ils choisissent de ne lire qu’une ligne sur deux. Pour eux, la « Z machine » vient d’expliquer comment faire une bombe à fusion thermonucléaire enfin propre, en se débarrassant du très salissant détonateur habituel, constitué d’une classique bombe A, à fission, comme à Hiroshima. À la clé, des bombes H pratique, c’est-à-dire utilisable. D’autant plus que celles-là seront sans radioactivité (sauf si on veut en avoir exprès, pour des bombes à neutrons anti-personnels, par exemple), et qu’elles n’auront pas de limitation inférieure de puissance. Jusqu’alors, faire sauter le monde était un jeu d’enfant, mais on ne pouvait pas jouer... Maintenant, on va pouvoir en faire des sur-mesures, pour jouer tous les jours. Super non ? Si la « Z machine » tire classiquement son énergie du secteur, on a déjà des tas d’idées pour miniaturiser la source (avec des générateurs magnéto-inductifs dérivés de ceux mis au point dans les années cinquante par Andréi Sakharov, le père de la bombe H soviétique.)

Effet secondaire indésirable cependant, cette simplification met la bombe à la portée de n’importe qui. N’ayant plus besoin de passer par la difficile étape de l’enrichissement de l’uranium pour fabriquer le détonateur, tout le monde va pouvoir s’y mettre. Vue du côté de Los Alamos ou de Livermore, les deux grands labos spécialisés, la bombe iranienne est une tentative ridicule, obsolète avant d’être né. Leurs plans pour la nouvelle bombe US sont déjà, depuis le mois de mars, sur le bureau du Conseil chargé des Armes Nucléaires. La nouvelle étant publique, est-il besoin de préciser que la Russie et la Chine en sont sans doute au même point ? De fait, la course aux armements est relancée et la reprise des essais tout azimut n’est qu’une question de temps.

En France, la grande muette est muette. Il est vrai que la découverte de Sandia arrive comme un cheveu sur la soupe du lobby nucléaire. Chez nous, le complexe militaro-industriel n’est pas un vain mot. Pour les responsables, c’est très gênant. Ils voient d’un mauvais œil une nouvelle remettant radicalement en cause les deux projets phares qui devaient leur assurer une place au soleil pour les années à venir, Mégajoule, à Bordeaux, et ITER, à Cadarache.

Mégajoule est censé tester notre armement atomique sans explosion. C’est peut-être une bonne idée avec l’ancienne technologie, mais quel soldat voudra se fier à une arme, de nouvelle technologie qui n’aurait pas été essayée en vrai ? De toute façon, la course est lancée, il va falloir la faire. Exit donc Mégajoule. En revanche, on doit se frotter les mains au petit Centre militaire d’expérimentation de Gramat, dans le Lot : l’expérience de Sandia n’a pas de mystère pour eux. Ils doivent déjà être en train d’essayer de la refaire mais, chut, c’est secret on vous dit.

ITER est quant à lui notre futur réacteur expérimental à fusion nucléaire. C’est un projet international, tellement c’est cher, et c’est chez nous que ça va se passer, en Provence, pour au moins 40 ans. Le traité vient juste d’être signé, le 26 mai 2006. On en est très fier, bien que les grincheux disent que la technologie mise en œuvre est une dangereuse impasse. Pour eux, ITER, serait la machine à vapeur du troisième millénaire ! Même un prix Nobel de physique comme Pierre-Gilles de Gennes crache dessus, l’ingrat. Mais gaspillage ou pas, il y va de la grandeur du pays et de l’Europe. ITER sera au cœur de la stratégie énergétique française. D’ailleurs, on ne le présente plus comme un projet scientifique mais comme un projet de société, avec tennis et piscine pour des milliers de chercheurs. On peut cependant se demander quel scientifique honnête voudra désormais travailler sur ce dinosaure, alors que l’expérience de Sandia montre la voie d’une technologie de fusion (impulsionnelle) plus simple, plus fiable, moins chère...

Là se niche en effet la promesse d’ Âge d’Or de l’énergie sans pollution, pour rien et pour tous. Avec une dizaine d’années de recherches intelligentes, on devrait pouvoir mettre les centrales nucléaires au placard, même si cela dérange quelque peu l’ordre actuel. Qu’est-ce qu’on attend ?

Cher lecteur, tu te dis que c’est trop beau pour être vrai parce que tu as du mal à comprendre. Une pincée de science devrait t’aider.

Avec un engin comme ITER, on cherche à obtenir la première réaction de fusion envisageable, celle du Deutérium et du Tritium, accessible à partir de « seulement » 100 millions de degrés. On y est presque, et encore, après 50 ans de recherche. Mais ce n’est pas encore la panacée, à cause des neutrons produit dans la réaction, synonyme de déchets radioactifs.

Depuis l’expérience de Sandia, on sait qu’on a 2 milliards de degrés à portée de main. Ça change tout.

À partir de 500 millions de degrés, on débouche sur la fusion Lithium - Hydrogène (Li7 + H1), comme dans une bombe H. Avec un milliard de degrés, c’est la fusion du Bore B11 avec l’Hydrogène H1. Des substances extrêmement courantes sur Terre. Et pas de neutrons. Juste de l’Hélium pour gonfler des ballons.

Avec cette solution, on a « le bore et l’argent du bore », dit Jean-Pierre Petit, grand scientifique énervé dont je tiens l’essentiel de ces informations.

Dès lors, l’humanité a le choix. Clairement, il est sans doute trop tard pour arrêter les militaires. Il faudra faire avec l’Apocalypse. Mais est-ce une raison pour négliger l’Âge d’Or ?

En conclusion, n’hésitez pas à engueuler vos journaux favoris, branchez les copains et le député du coin. Et réfléchissez. Parce que, a priori, l’énergie gratuite, ça ne rapporte rien, donc ça n’intéresse personne. Pour l’avoir, il va falloir crier très fort.

Mezigue

L’info brute : http://www.sandia.gov/news/resources/releases/2006/physics-astron/hottest-z-output.html

Ses versions françaises : http://www.futura-sciences.com/news-z-machine-depasse-deux-milliards-degres_8419.php et http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=2425

Le décryptage : http://jp-petit.com


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