Commentaire de Romain Baudry
sur L'Europe, c'est fini ?


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Romain Baudry (---.---.92.20) 27 juin 2006 01:44

Je suis essentiellement d’accord avec l’article. Cela étant dit, bien que je sois un « oui-ouiste » convaincu, refaire un référendum sur le TCE tel qu’il a déjà été proposé me semble impossible. Ca braquerait complètement tous ceux qui ont déjà voté non. Il est extrêmement peu probable qu’une renégociation totale apporterait satisfaction aux partisans du non : il y a 24 autres Etats dans l’UE et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ils n’ont pas nécessairement les mêmes désirs ni les mêmes valeurs que les Français (qu’on ne peut certes pas considérer comme un groupe unifié, mais c’est une autre histoire). La meilleure solution serait sans doute de faire voter sur une Constitution « light » détaillant les droits fondamentaux et le fonctionnement des institutions (ce qui permettra enfin au Parlement de jouer un rôle plus important).

Personnellement, je ne nie pas que la victoire du non m’a aigri. A peu près autant que la victoire de Bush sur Kerry en 2004 et un peu moins que l’élimination de Jospin au premier tour en 2002. Je m’en suis plus ou moins remis, mais je n’aime pas m’engager dans des débats sur le sujet, parce qu’ils ne mènent à rien et qu’ils ont tendance à dégouliner de fiel (comme ça commence déjà à être le cas ici). Et puis, ça me rappelle à chaque fois que « le peuple » a pris ce que je considère être la mauvaise décision.

Je pense personnellement que ceux qui ont voté non et se considèrent sincèrement pro-européens se font des illusions. Soit sur ce qu’aurait apporté le TCE, soit sur leur engagement pro-européen. Qu’est-ce que ça veut dire, au fond, pro-européen ? Plus personne n’est officiellement anti-européen, de nos jours, même De Villiers et Le Pen. Il y a beaucoup de gens qui, objectivement, n’ont aucun désir de se rapprocher des autres pays européens et qui, si on le leur demande, se disent tout de même pro-européen. Mais, quand ils disent cela, ils ne témoignent pas d’un engagement ; ils ne font qu’apporter une réponse convenue et sans réflexion. On ne peut pas faire l’Europe rien qu’avec la France, même si beaucoup font comme si c’était le cas.

De mon point de vue, il y a eu plusieurs raisons à la victoire du non au TCE.

- D’abord, l’impopularité extrême du gouvernement en place. Chirac, avec l’absence de flair stratégique qu’on lui connaît lorsqu’il ne s’agit pas de se faire élire, s’est accroché à Raffarin alors que ce fusible était grillé depuis des mois. En l’absence d’élection cette année-là, c’est le référendum qui a permis aux électeurs d’exprimer leur mécontentement. Nier l’importance de ce facteur est intellectuellement malhonnête. Si le référendum avait eu lieu en septembre 2002, il me paraît évident que le oui l’aurait emporté.

- Ensuite, le nationalisme, le rejet de l’autre et toutes les autres raisons « identitaires ». C’est à tort qu’on croit que ce genre de raisons ne concernent que l’extrême-droite. L’extrême-gauche est tout aussi apte à faire preuve de chauvinisme, bien que ce soit avec des justifications différentes. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la tribune de Jacques Nickonoff, le président d’ATTAC, au « Monde » (on doit pouvoir la trouver à partir de l’article de Wikipédia le concernant). Avec quelques modifications mineures et purement stylistiques, son discours aurait été tout à fait à sa place dans la bouche de De Villiers. On y sent un mépris écrasant pour la quasi-totalité des autres pays européen.

- Le mélange des problèmes. Il est fondamentalement frustrant, pour l’électeur, que ce soit les dirigeants qui décident quelle est la question précise qui lui est posée. C’est bien connu : celui qui décide de l’énoncé de la question dispose là d’un pouvoir énorme. Sauf que l’électeur n’a pas nécessairement envie de répondre à cette question-là. Parmi les « Non au TCE », combien y a-t-il eu de « Non à la Turquie dans l’Europe », de « Non à la directive Bolkestein » et autres du même genre ? Ces questions n’avaient pourtant rien à voir avec le TCE. Le contenu exact du TCE et plus particulièrement les modifications concrètes qu’il apporte au Traité de Nice (qui est donc toujours en vigueur aujourd’hui) n’ont jamais été au coeur du vote. C’est bien regrettable.


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