easy easy 15 février 2012 18:41


Une fois qu’on laisse de côté toute attente magique en tapis volant ou en marcher sur l’eau, il reste tout de même le fantasme le plus réaliste, celui de ne pas mourir, avec toutes les déclinaisons possibles en cette direction. Il suffit d’éviter un rocher qui nous tombe dessus pour ressentir ce fantasme. On ne l’évite pas, on meurt ; on l’évite on se marre. Notre adresse contient alors la clef de l’immortalité. C’est euphorisant.

Bien entendu, ce jeu d’évitement de la faux ne peut pas durer éternellement. Mais comme il n’y a pas non plus d’échéance fixée d’avance, sinon dans les horoscopes, nous disposons tous d’un espace certes fini mais élastique donc avec quelque allure d’infini pour fantasmer sur quelque degré d’immortalité.

Dieu est assurément Eternel et n’est même que ça. Son don d’ubiquité, ses pouvoirs à ouvrir les mers ne découlent que du fait qu’il est éternel et qu’il a tout son temps.

Dans l’amour classique entre un garçon de 20 ans et une fille de 20 ans, tous les deux fantasmant donc de quelque degré d’immortalité, de quelque degré de divinité, pourvu qu’ils fassent attention dans les virages, ils ont à se demander si leur sentiment amoureux qui vient de surgir et dont ils savent qu’il est né de circonstances particulières, dont ils savent qu’il tient à des textures de peau, de fraîcheur d’haleine, d’optimisme et de dynamisme, va avoir lui aussi des propriétés magiques, aussi magiques que leur vie physique.

Si je peux fabriquer du miracle de vie physique en faisant gaffe aux rochers (et il faut faire gaffe sinon pas de miracle du tout) serais-je capable de fabriquer un miracle parallèle en faisant gaffe pour faire durer plus longtemps ma passion ?



Quoi ? Faire gaffe à préserver le sentiment amoureux ? Mais c’est n’importe quoi puisque certains affirment que la passion ne vaut que pour autant qu’elle soit incontrôlable et uniquement spontanée.

Ouille alors car si c’est la seule spontanéité qui fait la qualité la la passion, exit toute entreprise de protection et quid de sa pérennité.
D’autant que pour bien faire, il vaudrait mieux que ce sentiment seulement spontané soit bilatéral.
Ouille² alors ! Et immédiatement grosse inquiétude.

Cette inquiétude qui porte donc que la seule pérennité de la spontanéité amoureuse se produit dès le premier jour du contact et oblige chacun à l’évaluer de façon permanente et obsessionnelle.

Or, ya pas à tortiller, toute spontanéité sondée, mesurée, toisée, objectivée perd automatiquement en spontanéité et subjectivité.

A être remplacée alors progressivement, sourdement et implicitement par autre chose mais ce n’est plus exactement de la passion pure. Ca devient par exemple de l’amitié ou de la camaraderie.




Sur ce principe de fond, se produisent des situations exceptionnelles où le problème le plus saillant devient celui du temps de vie physique. Ce qu’illustre par exemple Love Story.

On a là un couple qui démarre comme tous les couples avec un doute (non-dit) sur la durabilité de la passion. Mais avant que le processus du sondage de la spontanéité n’ait commencé son oeuvre de déromantisation, voilà qu’il apparaît à chacun la présence d’un terme physique à leur alliance.
Il s’ensuit un intervalle de fantasme magique portant sur un miracle vainquant le cancer mais quand les médecins posent que tout espoir est vain, chacun se retrouve avec la seule question de leur durée physique. La passion n’est alors plus du tout forée et elle reste intacte. Mieux, talonnée par l’échéance physique de la mort, elle décuple.

Ce phénomène est vécu de manière courante mais moins absolue lorsque des amoureux ordinaires sont par exemple en fin de WE et qu’ils doivent se séparer pour la semaine. Ou lorsque le soldat doit partir à la guerre

En somme, avoir la vie devant soi mine la passion alors qu’une perspective de séparation inéluctable l’exalte absolument.


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