heliogabale heliogabale 1er novembre 2014 18:54

Robespierre n’a jamais été dépeint comme quelqu’un de violent : au contraire, on a souvent fait le portrait d’un homme pusillanime, effrayé par le sang qui coule... Il n’a ni participé à la prise de la Bastille est resté (très) en retrait lors de la journée du 10 août (bien qu’il en fut le principal inspirateur) et n’a aucune responsabilité dans les massacres de septembre...

Le plus important chez Robespierre, outre ses discours qui font de lui l’un des pères de l’État démocratique et social, c’est de comprendre pourquoi il est arrivé au pouvoir et ce qu’il a pu représenter au moment où il est élu au comité de salut public.

Robespierre est un révolutionnaire de 1789 : membre du Tiers-État, présent lors du serment de jeu de paume, il est en 1793 l’un des derniers survivants de cette Révolution qui dévore ses enfants avec Barère de Vieuzac (membre éminent du comité de salut public, centriste rallié aux Montagnards et en ce sens pivot du gouvernement révolutionnaire mais étrangement peu connu).

Mais Robespierre est bien plus : c’était le démocrate de la Constituante qui a gagné petit à petit le respect de ses pairs et l’admiration du peuple (en particulier le peuple des faubourgs). C’est surtout celui qui défend le suffrage universel (Discours du marc d’argent).

En 1793, la France est cernée de toute part par la coalition des armées étrangères et des émigrés et est en proie à une guerre civile : la bourgeoisie (financière et/ou de robe) qui a pris le pouvoir depuis le début de la révolution est menacée d’un rapide effondrement et cherche l’appui du peuple toujours plus radical dans ses exigences révolutionnaires (ceux que l’on appelle les sans-culottes). Ce sont les sans-culottes qui expulsent les Girondins lors des journées de mai et juin 1793. Et c’est Robespierre qui arrive à les sauver de la mort en faisant comprendre qu’il vaut mieux les mettre en résidence surveillée. Certains s’échapperont mais échoueront dans leur tentatives d’insurrections fédéralistes...  

Qui donc mieux que Robespierre, l’élément le plus avancé de la bourgeoisie, le révolutionnaire de 1789 et 1792, celui qui sait le mieux exprimé les aspirations des sans-culottes pour sceller cette union ? D’autant plus, comme le montre l’épisode avec les Girondins, qu’il a une réputation auprès de certains de modéré...

L’oeuvre de Robespierre au sein du comité de salut public est marquée par cette volonté de compromis entre les sans-culottes (politiquement représentés par les enragés) et la bourgeoise qui s’est coalisée avec les sans-culotte que par nécessité vitale et qui veulent un rapide retour au statu quo ante (ce sont les Marais et les Indulgents).

C’est cette position centrale qui va perdre Robespierre : son opposition à la campagne de déchristianisation et l’arrestation d’Hébert et de ses amis enragés vont lui faire perdre le soutien des sans-culottes. La politique de Terreur, qu’il n’a pas inventé mais qu’il a théorisé en lui associant la vertu de manière à la rendre plus acceptable, aussi nécessaire soit-elle va lui faire perdre le soutien de la bourgeoisie dès lors que le redressement militaire et dans une moindre mesure économique est avéré. De plus, les mesures sociales soutenues par Robespierre déplaisent fortement à la bourgeoisie financière qui y voit une entrave à la liberté de commerce.

En Thermidor an II, du fait des exigences du pouvoir et de la nécessité de sauver la France d’un grand bond en arrière, Robespierre s’est quelque peu aliéné les forces qui l’ont amené au pouvoir. Robespierre est politiquement un homme seul. C’est ainsi que son discours du 8 thermidor est souvent perçu comme un testament politique. On a souvent dit que si Saint-Just avait pu réciter son discours le 9 thermidor en entier, il aurait mis Robespierre à la retraite. Sans omettre les nombreuses inimitiés qu’il s’est crée en particulier au comité de sûreté générale, l’usure du pouvoir, sa santé déclinante, sa chute est en grande partie expliquée par le fait que les forces motrices (bourgeoisie et sans-culottes) de la Révolution de 1792 pensaient pouvoir s’affranchir de Robespierre. Ils n’ont plus besoin de lui.

On ne peut pas dire que la mort de Robespierre constitue l’élément final de la Révolution. Il y a un épilogue : c’est cette bataille qui va opposer les Thermidoriens : pour schématiser, d’une part les députés à gauche de Robespierre alliés au derniers survivants de la Montagne (appelés les Crêtois )et d’autre part les éléments à sa droite (libéraux, financiers, Indulgents etc.).

Ces derniers vont gagner suite à l’échec de l’insurrection de Germinal et Prairial an III et écrire leur constitution qui supprime le suffrage universel, qui était la grande conquête de 1792...


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