ilias 6 juin 15:26

A l’occasion, je reprends ici une synthèse d’une intervention que j’ai faite lors d’un séminaire Banque, finance non bancaire et les voies saines de développement, 

Le système monétaire, financier et bancaire [SMFB] est l’épine dorsale de toute économie moderne. Cependant, le capitalisme dérégulé du 21ème siècle a introduit des dynamiques complexes qui ont des implications profondes pour la stabilité économique mondiale et dans chaque pays. Cette analyse se penche sur les caractéristiques, les avantages et les inconvénients de ce système, tout en examinant les critiques et les alternatives potentielles.

Évolution du système monétaire, bancaire et financier

L’évolution du Système Monétaire Financier Bancaire (SMFB) comprend les étapes majeures suivantes : Le système de l’étalon-or, la création de la Réserve fédérale en 1913 aux États-Unis et son impact par la suite, la domination du système de Bretton Woods avec l’étalon-dollar américain après la Seconde Guerre mondiale, l’abandon de Bretton Woods en 1971 avec la fin de la convertibilité du dollar en or, et l’ère de la dérégulation financière à partir des années 1980. Cette dérégulation a permis l’essor de la finance moderne, marquée par l’innovation financière, la globalisation des marchés financiers, et la montée en puissance des banques d’investissement et des fonds spéculatifs.

Caractéristiques du capitalisme dérégulé

1. Innovation financière : La dérégulation a permis une prolifération de produits financiers complexes, tels que les dérivés, les produits structurés et les titrisations. Ces innovations ont augmenté la liquidité et diversifié les options d’investissement, mais elles ont aussi accru les risques systémiques.

2. Globalisation des marchés : La finance est devenue véritablement mondiale, avec des capitaux circulant librement entre les frontières. Cela a facilité l’allocation efficace des ressources, mais a aussi rendu les économies nationales vulnérables aux chocs externes.

3. Institutions financières géantes : La concentration des actifs dans les mains de quelques grandes institutions financières a créé des entités « too big to fail ». Ces institutions bénéficient implicitement de garanties de sauvetage gouvernemental, ce qui peut encourager des comportements à risque.

4. Intermédiation financière : Le rôle traditionnel des banques comme intermédiaires entre les épargnants et les emprunteurs a été transformé par l’émergence des marchés financiers et des institutions non bancaires, telles que les fonds d’investissement et les sociétés de capital-risque.

Avantages du système dérégulé

1. Efficacité et innovation : La dérégulation a stimulé l’innovation financière, permettant des solutions plus efficaces pour le financement des entreprises et des projets. Elle a également facilité l’accès au crédit et diversifié les sources de financement.

2. Croissance économique : En théorie ( et peut-être seulement en théorie), un système financier dérégulé peut conduire à une allocation plus efficace des ressources, stimulant la croissance économique et la création d’emplois.

3. Flexibilité et adaptabilité : Les marchés financiers dérégulés sont souvent plus flexibles et réactifs aux besoins changeants de l’économie mondiale, permettant une meilleure gestion des risques et une allocation plus rapide des capitaux.

Inconvénients et critiques

1. Risque systémique : La complexité et l’interconnexion des marchés financiers ont augmenté le risque de crises systémiques. La crise financière de 2008 en est un exemple poignant, où la défaillance d’un segment du marché a entraîné une crise mondiale.

2. Inégalités économiques : Le capitalisme dérégulé tend à favoriser les acteurs financiers et les investisseurs, creusant ainsi les inégalités économiques. Les bénéfices de la croissance ne sont pas équitablement répartis, et une grande partie de la population peut être exclue des avantages économiques.

3. Manque de transparence : Les produits financiers complexes et l’opacité des marchés augmentent le risque d’abus et de fraudes. Les scandales financiers, tels entre beaucoup d’autres non médiatisés, d’ Enron et Bernie Madoff, illustrent les dangers d’une supervision inadéquate.

4. Captation politique : Les grandes institutions financières ont souvent une influence disproportionnée sur les politiques publiques, conduisant à une régulation favorable aux intérêts privés au détriment de l’intérêt public.

Critiques épistémologiques

La critique épistémologique du système monétaire et bancaire dérégulé repose sur plusieurs axes :

1. Rationalité limitée : Les hypothèses de rationalité parfaite et d’efficience des marchés sont souvent contredites par des comportements irrationnels et des asymétries d’information. Les bulles spéculatives et les paniques financières en sont des exemples.

2. Modèles économiques inadéquats : De nombreux modèles économiques ne prennent pas en compte la complexité et la dynamique non linéaire des marchés financiers. Les crises financières révèlent les limites de ces modèles prédictifs.

3. Éthique et moralité : La concentration excessive sur le profit et la croissance financière peut éroder les valeurs éthiques et morales de la société. La finance devrait être au service de l’économie réelle et du bien-être général, et non l’inverse.

Alternatives et réformes possibles

1. Régulation renforcée : Il est crucial de mettre en place une régulation plus stricte pour limiter les risques systémiques, améliorer la transparence et garantir une supervision efficace des institutions financières.

2. Banques publiques et éthiques : Encourager le développement des banques publiques et des institutions financières éthiques qui mettent l’accent sur l’investissement socialement responsable et le développement durable. 

Les banques centrales doivent assumer une responsabilité sociale plus large, en favorisant des politiques monétaires et fiscales qui réduisent les inégalités. La critique de la théorie du ruissellement et l’adoption de politiques de redistribution directes sont cruciales pour garantir une répartition plus équitable des richesses. 

La gestion prudente de l’inflation et de la dette publique, combinée à des investissements publics stratégiques, peut assurer la stabilité économique et sociale à long terme. 

3. Taxation conséquente des transactions financières : Une taxe consistante optimalement sur les transactions financières pourrait réduire la spéculation excessive et générer des revenus pour des investissements publics.

4. Réforme du système bancaire : Séparer les activités bancaires commerciales et d’investissement pour réduire les conflits d’intérêt et le risque de contagion financière.

5. Promouvoir concrètement la participation citoyenne dans les décisions majeures de politique publique monétaire, financière et bancaire, en encourageant l’éducation et la formation populaire en ces matières, et ainsi s’assurer d’une certaine transparence informative du public.

Conclusion

Le SMFB en phase du capitalisme dérégulé du 21ème siècle présente des avantages en termes d’innovation et d’efficacité sectorielles mais nullement dans une optique éco-systémique//holistique. Et revers de la médaille, il comporte aussi des risques et des inégalités importantes. Une critique épistémologique profonde et une réforme substantielle sont nécessaires pour aligner ce système sur les principes de justice économique et de stabilité financière. Le défi consiste à trouver un équilibre entre régulation efficace et innovation dynamique, tout en assurant que les bénéfices de la croissance économique soient partagés équitablement parmi toutes les strates de la société. Les leçons du passé et les critiques éclairées doivent confluer vers la voie de mise en œuvre urgente d’une économie plus équilibrée, inclusive et en capacité de bonne résilience pour les populations défavorisées.


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