pigripi pigripi 5 avril 2009 18:52

Dimanche 29 mars 2009

SUS À Orelsan !

Le rap des Chiennes de garde

 

« Le chanteur Orelsan est invité au Printemps de Bourges, un festival de chanson française », signalent des féministes à partir du 19 mars 2009. Y chantera-t-il son rap intitulé « Sale pute ! » et disponible sur Internet, dont les paroles, à la première personne, détaillent les violences extrêmes qu’un garçon menace de faire subir à une fille ? Au pays de la galanterie et des droits des hommes, tous les espoirs sont permis.


Certes, la loi réprime les incitations à la haine, tout en étant moins sévère pour le sexisme que pour le racisme. La justice reste donc impassible, le gouvernement réfléchit longuement, la HALDE regarde ailleurs, les politiques donnent la priorité aux élections européennes, et les intellectuels respectent trop la liberté d’expression, les droits des artistes et le deuxième degré pour intervenir.


Heureusement, il reste, bon pied bon œil bon sens, de vaillantes féministes que ces litanies machistes empêchent de dormir. Parmi celles qui sont passées à l’action, nous, Chiennes de garde, farouches gardiennes de la dignité des femmes et de l’art lyrique réunis, avons mené l’enquête et découvert que la chanson s’adresse à l’une des nôtres, la rappeuse Pitbulle : elle s’apprêtait à « tèje » (rompre avec) Orelsan, à qui elle reproche d’être « aussi nul en français qu’en respect ».


Bonne nouvelle : non seulement les menaces d’Orelsan ont laissé Pitbulle de marbre, mais elles lui ont inspiré un contre-rap, que vous pourrez entendre au Printemps de… disons Paris, fête des droits humains et de l’humour féministe.
En avant-première, Pitbulle a confié ses paroles aux Chiennes de garde. Sus à Orelsan ! Quant aux autres machos, petits ou gros, ils n’ont qu’à bien se tenir : le même traitement radical les attend.
Grrrrrrrr… !

MOI, J’SUIS CAP’ !
Réponse de la rappeuse au rappeur

Regard’-moi dans les yeux, Orelsan, et fil’ doux !
Tu te crois tout permis, les insult’ et les coups.
T’es pas à la hauteur, arrête tes délires !
Ma patience est à bout, prépare-toi au pire !
Les p’tits mecs dans ton genre, je n’en fais qu’une bouchée.
Ton « Sale pute ! », dans la gorge je vais te l’faire rentrer.

Parc’que tu chantes à Bourges, tu te la pètes grave,
toi, banal en images, et nul en orthographe !
Cogner, violer, casser, tabasser, massacrer,
les filles dans ta tête, le français sur l’papier,
tu te la joues rebelle, et tu t’crois très méchant.
T’as la haine, que tu dis, ça remplace pas l’talent.

Faut t’y faire, Orelsan, j’embrasse qui je veux,
et la rue est à moi, je n’ai pas froid aux yeux.
T’aurais pas dû m’chercher, j’vais l’crier sur les toits,
te mettr’ la honte à donf jusque devant chez toi,
ça s’ra sur Internet, ça f’ra l’tour des radios,
que t’es qu’un bandemou, un ringard de macho.

T’as dit ‘’t’es différente des meufs que j’ai connues’’.
C’était quand tu m’draguais, mais t’as encore rien vu.
Rien à fout’ de ta haine, elle va direct poubelle.
J’vais pas m’laisser salir par un p’tit vermicelle.
Si tu baises comme t’écris, y a pas d’quoi la ram’ner :
les paroles de ton rap, c’est du sous-Dieudonné !

À force de dire ‘’t’es bonne’’, de te prendr’ pour le pape,
t’as oublié que j’suis meilleure que toi en rap.
J’appelle les copines : « Féministes, wesh ! yo ! »
J’en ai soupé, d’ta haine, je sors mon grand couteau,
l’ail et les p’tits oignons, j’émince et j’fais chauffer.
T’as assez dégueulé, maintenant tu vas t’calmer.

Les filles, finissons-en avec ces p’tits couillons !
Ils étaient forts tant que nous n’osions pas dire NON.
Orelsan, baisse ton froc, je saliv’ déjà trop.
Chiennes de garde, foncez, et en avant les crocs !
Aux défenseures des femmes les oreilles et la queue,
les couilles à l’offensée, et des excuses je veux.

Signé : Pitbulle, espoir de la chanson française 
« Agressive, moi ? Mais c’est une berceuse ! »

 

 

Jeudi 2 avril 2009

Au machisme bien-pensant,
les Chiennes de garde montrent les dents !


Réponse à
Claude Askolovitch

 

Monsieur,

Vous trouvez « Sale pute ! », la chanson d’Orelsan, « terrifiante ». Vous la qualifiez de « haine à l’état brut contre une femme adultère menacée des pires tortures et ça reflète une réalité que subissent trop de femmes. »« On doit agir, ajoutez-vous, contre la réalité des violences faites aux femmes, on peut aussi si l’on veut s’interroger sur le danger des mots et sur l’idée même d’une censure contre le machisme : pourquoi pas ? »
Interrogeons-nous donc !
 
Vous citez Orelsan, qui présente « Sale pute ! » comme « une fiction qui reflète la réalité (…), pas une incitation au crime ». Cet argument n’est pas recevable. La chanson est écrite à la première personne, et elle relève du rap, mode d’expression favori de nombreux adolescents. Ceux-ci revendiquent le rap comme une tribune où ils peuvent donner libre cours à leurs révoltes, sociales ou personnelles, leurs refus, leurs peurs, leurs désirs profonds. Autant dire qu’ils s’identifient au « je » qui chante « Sale pute ! » : ils le voient comme un modèle, un porte-parole. Beaucoup d’entre eux ne perçoivent pas Orelsan comme un interprète, ni « Sale pute ! » comme une fiction : ils y retrouvent la violence machiste ambiante, sans y entendre une dénonciation de cette violence.

Si « Sale pute ! » reflète la réalité, à l’image de son titre devenu une injure courante, c’est donc avec complaisance. C’est en cela que cette chanson incite au crime. Pire encore : avec une exhibition de détails abjects, son auteur valorise des pratiques de torture et de barbarie infligées à une femme, non pas « adultère  » comme vous l’écrivez (où est le mariage ?), mais à une femme qui a choisi un autre partenaire sexuel, ce qui est la liberté de toute personne adulte — la nôtre, la vôtre, celle des femmes et des hommes de ce pays.
Qui apprendra à des adolescents prolongés, à des hommes immatures, qu’une femme ne leur appartient pas, et qu’elle est libre de ses choix de vie ? Qui leur fera comprendre qu’on devient adulte en dépassant ses déceptions, en dominant ses envies de meurtre et en respectant les droits des autres ?

 Vous arguez qu’Orelsan ne chante pas cette chanson sur scène et qu’elle ne figure pas dans son album. Mais il est facile de la trouver sur Internet, et Dailymotion est un site très regardé par les adolescents. 

S’indigner ne suffit pas, dites-vous ; il faut aussi agir. Certes, mais cessez de prétendre qu’on diabolise ce chanteur, qu’il est l’objet d’un lynchage, en un mot qu’il est une victime ! Les innombrables femmes qui subissent des violences réelles comparables à celles qu’il décrit apprécieront ce renversement des rôles !
Vous qualifiez ceux qui s’indignent de "bien-pensants", et dénoncez la surenchère dans les protestations. Mais penser juste, ce n’est pas être bien-pensant. Être nombreux à protester, c’est déjà agir, car la polémique a valeur pédagogique. L’indignation qui s’exprime contre l’auteur de « Sale pute ! » émane de personnes qui pour la plupart, et c’est notre cas, agissent concrètement contre la violence machiste.

La liberté d’expression artistique est-elle sans limites ? Imaginerait-on une chanson détaillant à la première personne les tortures qu’un SS s’apprête à faire subir à un Juif ? Ou les paroles d’un GI rappant ses séances de torture en Irak ?

Les Chiennes de garde, 2 avril 2009


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