(---.---.226.172) 7 mai 2006 13:50

M. Kasba Je note avec plaisir que vous avez fait un grand effort dans votre façon de vous exprimer et je vous en remercie. Les fautes d’orthographe n’ont jamais fait partie de mes priorités. Le respect qu’on doit à quelqu’un quand on s’adresse dans une langue que l’on partage avec lui, oui. Je vous redis qu’il existe des correcteurs d’orthographe faciles d’utilisation. Avoir recours à l’un d’eux n’est pas un signe d’infériorité ou d’inculture, mais témoigne d’un sens de civilité et du niveau de respect dont on veut gratifier autrui.

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais depuis que j’interviens dans ce forum je ne le fais pas pour distribuer des bons ou des mauvais points envers qui se ce soit, encore moins pour porter un jugement définitif sur le pays dans lequel j’ai choisi de vivre. Mon propos a toujours été de « remettre les pendules à l’heure » face à des contrevérités et des manipulations idéologiques que mon expérience me permet d’appréhender peut-être plus facilement que d’autres. D’autant que je décèle dans de tels comportements, non seulement une tentative de falsification mais un souci d’intimidation manifeste.

Oui j’ai des amis musulmans (peut-être plus que vous-même...) et nous parlons souvent comme je le fais ici. Certains s’en montrent offusqués, d’autres abondent dans mon sens, d’autres me donnent des informations plus lourdes de conséquences encore. Dans tout ça, je fais un tri. C’est mon tri. Pas celui d’un organisme quelconque ou d’une secte. Et je suis heureux de vivre un pays qui me laisse libre de mon jugement, ce qui n’a pas l’air de vous plaire. Patience. M. Kasaba. Patience...

J’ai vécu une expérience qui m’a laissé un goût amer dans la bouche et qui m’a beaucoup appris sur les errements de la pensée humaine. C’est l’arrivée au pouvoir des ayatollahs en Iran en 1979. Je vivais alors en Algérie et comme nombre de bien-pensants gauchistes de l’époque j’ai applaudi des deux mains à la chute du Shah et de sa SAVAC de sinistre mémoire, pensant qu’après quatre ou cinq ans de régime « religieux » plus ou moins rétrograde, l’Iran reprendrait le cours de la modernité et trouverait sa place dans le concert des nations. On voit ce qu’il en est advenu... Peu de temps après, des Iraniens j’en ai connu beaucoup sur la côte d’Azur. Ils fuyaient le nouveau régime qui leur avait ouvert les portes de sortie. Tous étaient riches... Très riches... Pour fuir, il faut être riche M. Kasba. Le pauvre, lui, il est toujours obligé de rester.

Il me semble que quand Mme Yo interpelle Lalla à ce propos, c’est dans ce sens qu’elle veut attirer son attention et pour toute réponse, elle reçoit un méprisant (et stupide) « je vis à Tanger et pas à Téhéran ». Avouez que ce genre de réponse a de quoi défriser les meilleures volontés du monde. Moi en tous cas, ça me dégoûte de passer mon temps à faire un immense effort de compréhension envers l’autre sans jamais rien voir d’équivalent en face.

Quand Yo demande à Lalla si elle s’est mise une seule fois à la place de femmes musulmanes qui vivent les aspects les plus négatifs de la foi de leur conjoint, de leur père ou de leurs frères et cousins, a-t-elle eu droit à un semblant de réponse ? Se mettre à la place des autres, n’est pas dans la culture locale, je peux l’affirmer ici. Et ça m’est égal si ça vous choque.

Si vous avez bien lu l’anecdote que j’ai rapportée concernant le prêche du barbu lors d’une fête intime, vous avez peut-être remarqué que mon propos ne s’arrêtait pas à décrire un comportement somme toute assez comique, mais plutôt à pointer le silence que ce triste sire ignare et parfaitement inculte était arrivé à imposer à des personnes qui eux étaient d’un haut niveau culturel. Or ce silence, je le ressens toujours, même quand je lis la presse marocaine pourtant devenue indépendante.

Alors laissez à Lalla le soin de nous décrire le « plus beau pays du monde » en long en large et en travers, tout en sirotant son Martini acheté à Marjane ou ailleurs dans des conditions « officiellement illégales », et permettez moi de dire que la belle médaille a aussi un revers qui est un blocage de plus en plus marqué vers la modernité, malgré les efforts louables du nouveau roi et des nouvelles équipes dirigeantes pour le pousser dans cette direction. N’importe quel observateur impartial fait ce triste constat.

Oui c’est aux Marocains d’œuvrer pour un changement qui corresponde à leur passé et à leurs aspirations. Mais le font-ils ? Jusqu’à preuve du contraire, ceux qui occupent le devant de la scène aujourd’hui sont ceux qui veulent replonger le pays au Moyen Âge et non ceux qui veulent l’amener vers la modernité.

Mais ce que vous ne réalisez pas encore, et votre précédent propos en témoigne, c’est que pour beaucoup de Marocains : la modernité signifie privilèges et accaparation des richesses par un groupe de nantis, et l’islam une promesse de meilleure redistribution pour ceux qui ont toujours été les laissés pour compte d’une société particulièrement inégalitaire. C’est là qu’on retrouve l’exemple de l’Iran. Aux mêmes maux imposerez-vous les mêmes « remèdes ».

Moi je n’explique rien. J’ouvre les yeux et je constate. Les barbus ont fait le dos rond après les attentats de Casa que tout le monde a oublié dans ce débat. On ne parle que de New York, Londres ou Madrid - mais il y a eu aussi cinq explosions et des dizaines de morts à Casablanca, visant notamment les symboles de l’ancienne présence européenne dans cette ville (donc chrétienne). Ça se passait un jour de 11 avril ou mai (je n’ai pas le temps de vérifier) pour bien signer un lien « culturel » avec le 11 septembre (mais bien sûr ça aussi, pour vous M. Kasba c’est un complot sioniste car il n’y avait pas de Juifs dans le restaurant de la Casa d’Espana).

Aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que les barbus ont repris du poil de la bête. Concernant le film Marock que j’ai évoqué, ils s‘apprêtent à interpeller le gouvernement dès la semaine prochaine. Sans doute pour lui faire de la publicité et inciter tous les jeunes du pays à aller le voir...

Alors continuez à faire de la figuration dans le film de Jean Yane « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Moi la figuration, c’est mon genre. Je préfère ouvrir les yeux, parler avec mes amis marocains et lire la presse de ce pays quand elle me parle de musique, de bonheur, de liberté, de sexe, de festivals ou de voyages. Patrick Adam


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