Michel Tarrier Michel Tarrier 6 octobre 2011 23:21

Avant la révolution néolithique, l’avènement de l’agriculture sédentaire et de l’élevage, les hommes – cueilleurs-chasseurs – prélevaient leurs aliments dans une Nature non domestiquée. Ce mode de vie, respectivement décliné aux ressources à portée de main, où l’on ne prend pas « tout », pouvait suffire à quelques dizaines de millions de Terriens (3.000 ans avant J.-C., nous n’étions pas 100 millions…). Cette économie parcimonieuse ne se maintient plus que chez les derniers peuples natifs, dont le futur est désormais largement hypothéqué par l’insolence et l’insouciance de notre diktat. Seule une agriculture à grande échelle, mécanisée, dopée par des intrants chimiques de synthèse, à la fois rentable et destructive, cyniquement non-durable, est susceptible de maintenir en vie nos 7 milliards de concitoyens planétaires. Pour satisfaire aux exigences promises pour 2050, tant par les économistes que par les démographes, il conviendra de doubler l’actuelle production. Même en renonçant (enfin !) à la consommation carnée, honteuse et ruineuse à tous les points de vue, tout le monde sait que c’est impossible, a fortiori sans les dits engrais et biocides. Notre alimentation est pour l’essentiel assurée par des graines azotées, dotées de réserves glucidiques sous forme d’amidon (forte teneur en énergie, présence de protéines, de calcium et de vitamines), comme les céréales, par ailleurs d’une conservation et d’un transport aisés. La première façon culturale, celle des antiques civilisations jusqu’à la Chine encore récemment, correspondait à une agriculture biologique à laquelle contribuaient les paysans selon un taux populationnel de 80 %, associant un dur travail physique (musculaire), tant humain qu’animal, esclavagiste pour l’essentiel, ainsi qu’à une fertilisation organique du sol par fumure naturelle. La lutte contre les parasites était aléatoire et empirique, les ruines et les famines récurrentes (« Une année bonne, et l’autre non… »). Rien à voir avec l’actuelle vue de l’esprit du bio élitaire, articles raffinés d’une filière privilégiée qui se joue inconsciemment de la réalité des choses. Si les champs de quelques hautes terres ou d’agroécosystèmes oasiens ne sont pas stérilisés, ce n’est pas par respect éthique, mais prosaïquement par manque de moyens financiers. Et tant la santé que la longévité de ceux du Sud, qui vivent loin de l’agrochimie, n’ont rien à envier à celles des consommateurs de fruits et de légumes pollués du Nord, sauf que pour les premiers il n’y a guère de professeur Belpomme pour communiquer les misères des interactions environnement-santé à leurs gouvernants. Cette polyculture médiévale s’est maintenue à nos portes jusqu’à la moitié du XXe siècle, comme ce fut le cas dans les campagnes alsaciennes ou dans le centre de la France.


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