jack mandon jack mandon 21 janvier 2014 14:18

Gollum,

Comme chez Platon, qui faisait du logistikon l’instance la plus haute
et la part immortelle de l’âme – puisqu’elle seule fréquente l’éternité
du monde intelligible.

Blablabla, pas d’accord sur l’essentiel.
L’actualité ne fait rien à l’affaire, c’est du principe originel dont il s’agit
celui de l’ancien testament. Selon Tresmontant qui se trouve
dans la ligne de Bergson, son professeur et inspirateur,
que j’ai très bien connu, quand j’étais grand...

Le fondement biblique de l’âme, chez les hébreux de la bible,
n’a jamais été en phase avec celui de Platon le vilain païen.

L’unité de l’âme et du corps

 On vient de voir, à travers l’exemple du platonisme, comment et en quel sens une anthropologie dualiste pouvait fonder rigoureusement l’immortalité de l’âme en lui sacrifiant son union réelle avec le corps ; on s’efforcera dans un second temps de comprendre ce qu’il en est de cette union et ce qu’il advient de cette immortalité dans le cadre de deux anthropologies non dualistes, l’une religieuse, l’autre philosophique, dont la rencontre a durablement marqué le destin de la pensée occidentale.

Dans l’anthropologie hébraïque

 Durant les cinq siècles qui précédèrent la naissance de la philosophie en Grèce, se développa en Palestine une littérature religieuse dont l’originalité fut de concevoir la révélation de l’absolu à travers la catégorie d’une histoire dont le commencement se nomme création : "Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant" [30]. Dans cette perspective, on le voit, l’âme est créée en même temps que le corps : elle ne lui préexiste pas, il n’y a donc pas de raison qu’elle subsiste au-delà de lui ; souffle de vie issu de la respiration divine, elle n’est ni un fragment du divin malencontreusement égaré dans une matière mauvaise [31], ni une substance immatérielle radicalement étrangère à la glaise dont le corps de l’homme est formé : elle est l’« animation » de ce corps. Ce qui préexiste à l’âme comme au corps et qui en est distinct, c’est la « ruach » (πνευ̃μα en grec), c’est-à-dire l’Esprit de Dieu, le souffle créateur qui assure l’existence de l’âme et du corps et qui est donc la présence divine en l’homme, le surnaturel en lui, le principe de son dépassement ; mais l’âme et le corps ne sont pas, eux, ontologiquement différents l’un de l’autre. Comme le fait remarquer M. Tresmontant, « en hébreu, il n’y a même pas de mot pour désigner »le corps" au sens où Platon et Descartes parlent du corps, une substance distincte de l’âme« [32]. Le mot hébreux »basar" (sarx en grec, la chair) ne désigne pas le corps en tant qu’il serait distinct de l’âme et opposé à elle, mais au contraire en tant qu’il en est l’expression concrète : c’est « l’être vivant tout entier » [33] et plus particulièrement la totalité humaine. La preuve en est que lui sont attribuées des fonctions cognitives ; ainsi peut-on lire dans les Psaumes : "Que ma bouche publie la louange de l’Eternel, Et que toute chair bénisse son saint nom" [34]. Ou encore dans le livre d’Isaïe : "Et toute chair saura que je suis l’Eternel" [35]. Faute de comprendre que dans la tradition hébraïque la chair ne désigne pas le corps mais l’homme, on se rend inintelligibles les dogmes chrétiens ultérieurs de l’incarnation et de la résurrection de la chair : le célèbre début de l’Evangile selon saint Jean (kai o logos sarx egeneto, Et le Verbe s’est fait chair)[36] ne signifie pas que Dieu est devenu matière, mais qu’il est devenu homme ; de même la résurrection de la chair signifie le « resurgissement » de l’homme et non la réanimation du cadavre.
 Quant au mot hébreu « Nephesh » (ψυχή en grec, l’âme), il ne désigne pas non plus une substance immatérielle distincte de « corps » : à l’origine, c’est l’organe de la respiration ; puis c’est la personne considérée sous l’angle du désir. C’est pourquoi elle se voit attribuer des besoins physiologiques. Elle a faim et soif : "Il n’y a point de pain, il n’y a point d’eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture« [37] ; elle est susceptible d’être rassasiée : »Je rassasierai de graisse l’âme des sacrificateurs" [38] ; elle éprouve des sensations : « car tu entends, mon âme, le son de la trompette » [39].
 Il suffit : l’âme entend et la chair connaît. Ni la première n’est pensée pure, ni la seconde obstacle à la connaissance. L’une comme l’autre désignent l’homme entier, le Moi, la personne totale. On ne s’étonnera pas que pour la pensée hébraïque l’union de l’âme et du corps ne soit pas un « problème »  ; mais on ne s’étonnera pas non plus qu’elle ait ignoré l’immortalité de l’âme : c’est seulement dans les deux premiers siècles avant notre ère, et à travers l’une de ses branches, la pharisienne [40], que le judaïsme commence à professer l’espérance d’une survie. On s’étonnera davantage de ce que la religion de l’incarnation et de la résurrection, héritière du judaïsme, se soit attachée au cours de son histoire à des démonstrations de l’immortalité de l’âme, alors même qu’elle préférait le langage de l’hylémorphisme aristotélicien à celui du dualisme platonicien pour exprimer sa propre anthropologie.

Selon le texte

L’âme et le corps

(Article paru en décembre 1992 dans les Cahiers philosophiques n° 53)


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