Gnaffron 29 novembre 2013 11:04

Oh, un contradicteur ! Qui plus est, qui avance des arguments rationnels et de façon claire. Je vais donc essayer de faire aussi bien, et de répondre à la raison par la raison.


1°, La prostitution a reculé en Suède

D’abord, je voudrais souligner que les chiffres avancés au sujet de la Suède sont à considérer avec prudence. Je vous invite à lire, si ce n’est pas encore fait, cet article de Rue89.

Admettons ensuite que la prostitution ait effectivement reculé (et ne se soit pas cachée à la place). Je ne peut que m’en réjouir pour les filles qui étaient effectivement exploitées, qui se prostituaient contre leur gré. Ce point je crois ne fait pas débat. Mais les autres ? Celles qui n’étaient exploitées par personne mais dont le revenu dépendait de cette activité ? Vous n’allez pas me faire croire que toutes ont trouvé un emploi stable, rémunérateur. Certaines ont peut-être perçu des aides étatiques pour « s’en sortir », mais cela compensera-t-il le revenu dont on les a privé ? Répondre oui sans vérification aucune me semble bien irresponsable.

Cela m’amène à mon troisième point. Vous dites avec justesse que cette diminution de la prostitution est un bien en soi, pour autant que l’objectif à atteindre soit la diminution de la prostitution. Belle lapalissade en vérité, mais il serait temps de savoir contre quoi on prétend lutter. La prostitution ou l’exploitation des prostituées ? Si on peut avoir la première sans la seconde, ne serait-ce pas louable d’offrir la possibilité aux personnes qui le choisissent de gagner leur subsistance de la façon dont elles l’entendent ?

2° L’Allemagne

Très juste, l’Allemagne a merdé. Les réseaux prolifèrent et les prostitué(e)s en souffrent. Doit-on forcement en déduire que toute tentative de légalisation est vouée à l’échec ? C’est aller un peu vite en besogne, d’autant qu’il y a d’autres exemples que l’Allemagne - la Suisse par exemple - qui, même si leurs systèmes ne sont pas exempt de défauts, ont permis une réelle amélioration de la condition des prostituées et n’ont pas prétérité la lutte contre l’exploitation, au contraire.

Il serait plus avantageux de tirer de l’expérience Allemande les leçons l’une légalisation ratée afin de ne pas commettre les mêmes erreurs plutôt que comme repoussoir absolu de la dépénalisation.

3° La situation française

Bon, admettons ce chiffre de 15% vs 85%. Je n’ai pas d’argument pour le contredire, pas plus que pour le soutenir, d’ailleurs. J’enjoins cependant à la prudence face à ces chiffres qui sentent bon la technique du doigt mouillé, extraits d’études sur un milieu secret par définition.

Tablons aussi, soyons (très) optimiste, sur un recul de la prostitution due à la pénalisation des clients. Je refuse en revanche à pousser la naïveté au point de croire à une diminution de moitié, il y a des niveaux de candeur béate que je me refuse de fouler. Mais même dans le cas où le recours à la prostitution diminuerait d’un quart, ce qui me parait déjà idéaliste, quelles en seraient les conséquences ?

Ce serait bien évidement celles et ceux qui exercent hors d’un réseau qui seront les premiers impactés. Les réseaux qui exploitent des prostitués ont les moyens de perpétuer leur activité de façon suffisamment discrète. Les personnes seules, non. Celles-ci, pour s’assurer un même revenu, se trouveraient face à des difficultés supplémentaires. Ce serait la précarisation de personnes déjà vulnérables, voire dans le pire des cas une mise en danger de ces personnes (isolement social plus grand, tentation de se soumettre à des réseaux pour bénéficier de conditions d’exercice discrètes).

On a donc au mieux une précarisation de 15% des prostitué(e)s pour une réduction de l’exploitation de 10%. Plus vraisemblablement, une précarisation de 15% des prostituées et autant d’exploitation qu’avant. Je salue le progrès social, vraiment.

Bref, je crois que si on veut lutter contre la prostitution contrainte, il y a mieux à faire.

4° Les conséquences d’une diminution de la prostitution

Je ne sais pas si les viols augmenteront ou diminueront. Aucune idée. Et ce n’est pas le débat. Prostitution ou pas les hommes demeurent responsables de leurs actes. La société n’a pas à s’assurer que les détraqués puissent tirer un coup plutôt que de commettre un viol, pour autant que l’un prévienne l’autre, ce dont je doute. C’est vraiment le genre d’argument qui n’a pas sa place ici.

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