... Le Bobo a défendu le Zyva en zoologiste distingué, protecteur des animaux, et cela, comble de l’ironie, du haut de sa singitude ricanante.
Le centre de Paris est occupé par Homo Homo. Cet hominidé pétulant, plein de couleur et de fantaisie, n’appartient pas à la même espèce qu’Homo Sapiens. En effet il ne se reproduit pas avec ce dernier, et - faut-il le rappeler - la définition d’une espèce est précisément le fait pour deux êtres vivants de pouvoir se reproduire entre eux. La reproduction est la clé de l’espèce. Homo Homo a produit certains esthètes parmi les plus brillants de l’espèce humaine. On pense notamment au Marcel-Proust, sorte de Lémurien au poil soyeux vivant en hibernation permanente dans une caverne tapissée de liège, capable de vous envoûter avec son regard velouté et ses longues phrases chuintées. Mais il y a un peu de tout. D’autres préfèrent secouer leur zizi en public, lors de parades appelées Gaies Praïdes. Ces défilés sont imités sur celui qui est le clou du film Le Livre de la Jungle, de Walt Disney, avec une petite touche coquine en plus. Bagheera, Mowgli, Baloo, le cortège des éléphants, le Roi Louis et ses singes, tous les amis sont entraînés dans une joyeuse sarabande pleine de pirouettes, de tambours et de rires. Les secousses de zizi, principale occupation de la plupart des personnages de la Gaie Parade, s’effectuent en rythme, du haut d’un char dominant la foule. Souvenez-vous : les personnages de Disney eux aussi battent la mesure avec la queue !
Trêve de plaisanterie ! Un article scientifique n’est pas vraiment le meilleur endroit pour se laisser aller à des blagues de collégien. Excusez-moi. Place maintenant à l’analyse.
On s’interroge encore sur la signification de ce rite de procession. Les scientifiques ont d’abord imaginé un parallèle avec des pratiques de temps encore plus reculés de l’histoire de l’humanité. Le spectacle fait immédiatement penser à une punition publique et infamante infligée à quelque condamné, à l’image de ce qui se pratiquait au Moyen âge. Quel ignoble forfait pouvait donc justifier pareil supplice ? De quelle hérésie ont-ils pu se rendre coupable pour mériter pareil châtiment ? Imaginez un instant ces pauvres diables, juchés sur une charrette, presque nus au milieu la foule... anéantis par la honte. Cette procession, vue avec notre regard d’aujourd’hui, est une ignominie. Tous ces sexes malmenés et ces culs écarquillés évoquent irrésistiblement les tortures publiques pratiquées au Moyen-âge. Mais gardons-nous de toute interprétation facile, simplement dictée par un parallèle historique un peu trop évident. Après tout les fouilles effectuées à la sortie des parcours empruntés par la Gaie Praïde n’ont jamais révélé la moindre trace de bûcher. Parmi tous les détritus enfouis sous terre, pas le moindre reste d’ossements calcinés. S’il s’agit d’une punition, force est de constater qu’on a perdu la trace des condamnés. Un autre scénario s’est alors présenté aux chercheurs : peut-être avons-nous là plutôt une sorte d’automutilation fanatique destinée à exorciser le membre fatal ? L’explication serait alors à chercher du côté des épidémies qui parcourent la terre à cette époque, et contre lesquelles Homo Homo aurait cherché à se défendre en chassant les mauvais esprits. Que faire quand les parties génitales au lieu de donner la vie se mettent à semer la mort ? C’est probablement que le diable s’en est emparé... D’où cet exorcisme collectif. Les participants font tournoyer leur sexe sans ménagement comme des sorciers leurs grigris, dans un sens, puis hop dans l’autre, les jambes arquées et les bras en croix dans un tonnerre de tambours. Cette transe aurait eu pour but de chasser le mal. Mais qu’en savons-nous au juste ? Une grande cérémonie expiatoire... Le scénario est séduisant, mais relève d’une pure spéculation. En vérité les Gaies Parades gardent tout leur secret.
Les chercheurs s’accordent seulement pour exclure l’idée selon laquelle Homo Homo se réduisait à un zizi accessoirement porté par un corps. Mais une telle inversion des fonctions cérébrales et sexuelles est tout simplement inconcevable. Une chose est sûre : un Homo quel qu’il soit ne saurait se laisser porter, guider et gouverner par son zizi. Convenons simplement que nous n’avons pas d’explication certaine à donner aux Gaies Parades. Un peu de modestie n’a jamais fait de mal. Qui saura expliquer ce mystère ?
Quoi qu’il en soit Homo Homo vit en harmonie avec le singe Bobo qui l’accepte volontiers (c’est l’exception qui confirme la règle). Le centre de Paris est ainsi une zone souriante et préservée de toute pollution extérieure, un peu comme dans un dessin animé. Ce décor de carton pâte n’abrite que des plaisirs et des sentiments, de préférence délicats ; les contraintes matérielles ont disparu. Rien d’agressif. Tout est propre et coule. Les autres espèces comme le petit commerçant ou le plombier ne sont acceptées que comme les techniciens, tout au plus les figurants d’un film dans lequel le Bobo joue les rôles principaux. Bobo vit emmuré dans un film, héros supérieurement pur et vaniteux qui toute la journée se projette sur le petit écran de son moi important. Autour de lui, chaque personnage est à sa place et joue son petit rôle mignon dans le petit monde Bobo.
Enfin presque.
Revenons donc à Homo Zyva et suivons-le en ses pérégrinations parisiennes, telles qu’elles ont été reconstituées par des fouilles systématiques et très scientifiques. Grâce à ces travaux de longue haleine, on peut maintenant se faire une idée assez précise d’une rencontre entre Homo Zyva et le singe Bobo, dans un parc pour enfants, un wagon de métro ou la file d’attente d’un mokda. Plusieurs spécimens de Bobo assemblés échangent des signes de connivence, qui consistent généralement à se raconter quelques incidents harassants de la vie quotidienne - l’horreur disent-ils - tout en affichant les sourires entendus de ceux qui comprennent le monde et le dominent. Cette petite jactance vise à montrer que l’on est un membre de l’élite donc très débordé, assez passionnant, un peu débraillé, ironique sur tous les sujets, peu attaché aux biens de ce monde dont on dispose - c’est amusant - de manière abondante. Surgit un clan d’Homo Zyva. Le singe Bobo est saisi par la peur mais il se garde bien de le laisser paraître. Tous ses sens se mettent en éveil, l’alerte est sonnée, mais dans la discrétion la plus totale. C’est tout juste si l’on peut observer un certain raidissement de la colonne vertébrale accompagné de coups d’œil circulaires destinés à évaluer le danger. Une fois ceci fait le Bobo développe une stratégie de soumission amusée, qui consiste à éviter tout contact avec Homo Zyva tout en affichant une complicité, feinte bien entendu. Car en réalité le singe Bobo déteste Homo Zyva, instinctivement, par tous les pores de la peau car tous les deux ne sont pas de la même espèce (du moins en sont-ils totalement persuadés... l’un comme l’autre...). Les mimiques du singe Bobo sont très élaborées et il déploie là des trésors d’intelligence pour s’écarter d’Homo Zyva tout en lui adressant des signaux de bienvenue. Si Homo Zyva bondit en criant et en sortant les dents, ce qui est fréquent, le singe Bobo étale un large sourire... en tremblant de tous ses membres. Terrassé par la peur, risquant de s’évanouir à chaque instant, le singe Bobo ne quitte pas Homo Zyva des yeux. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle de Sigourney Weaver dans le film Gorilles dans la brume, pour parvenir à s’approcher des grands singes (le parallèle ne doit pas être poussé trop loin, car les gorilles de la jungle africaine sont sensibles à leur environnement et doués d’une forme d’intelligence, rien à voir donc avec Homo Zyva, le VRAI Homo Zyva).
Les femelles Bobos ne restent pas inactives et tentent par tous les moyens d’amadouer les petits d’Homo Zyva. Pour cela, elles n’hésitent pas à mettre leurs petits à contribution en les incitant à prêter leurs jouets. C’est un moment particulièrement intéressant car on observe que la femelle Bobo enseigne à sa progéniture le moyen de se comporter face à Homo Zyva. Nous avons là une vraie pédagogie ; ces scènes montrent la transmission d’un véritable savoir-faire face à l’ennemi. Dans ces moments, le Bobo mâle, le VRAI Bobo, voudrait être loin, très loin de là, il voudrait bien détaler en courant pour rejoindre les branches supérieures de son immeuble cool et bien protégé, seulement voilà, il sait que cela ne fera qu’attirer l’attention d’Homo Zyva. Alors il reste là, à espérer de tout son cœur que les Zyvas vont rapidement aller traîner ailleurs, si possible maintenant tout de suite.
Voilà ce que l’on sait aujourd’hui à propos d’Homo Zyva. Le singe Bobo a bien évidemment disparu ; cette espèce n’est en définitive qu’un léger refrain de l’histoire, dans la lignée des précieuses ridicules, muscadins et autres snobs des siècles antérieurs. En réalité il avait déjà quitté ce monde.
Mais sur son contemporain, le Zyva, le champ de recherche est immense.
Il reste sans doute beaucoup de choses à découvrir à propos d’Homo Zyva, le premier post-humain.
Les meilleurs archéologues ne sont pas parvenus à déterminer si Homo Zyva a finit par rejoindre Homo Sapiens et se fondre dans l’humanité, celle qui rigole, cherche, pleure, palpite et se cabre, ou s’il est parvenu à se maintenir en tant que groupe distinct avec toutes ses caractéristiques zyvatiques. Encore aujourd’hui en 8106 cet aspect reste un grand point d’interrogation. Que sont-ils devenus ? Sont-ils parvenus à se reproduire ? Fonder une famille purement zyva ? Tous les spécimens découverts avaient moins de 20 ans. Comment ont-ils évolué une fois arrivés à la quarantaine ? La soixantaine ? Peut-on imaginer une scène réunissant grand-père zyva et bébé zyva ? Mais si tel a été le cas alors où sont donc leurs descendants ? Ces graves interrogations restent sans réponse. Il serait absurde de considérer que nous puissions être des descendants des Zyvas, c’est proprement impensable, alors il se passera sans doute bien des années, peut-être des siècles avant que l’on puisse apporter une ou des réponses à cette grande énigme de la science...
Ce début du 21ème siècle est désormais enseveli dans la boue et la poussière et il n’en est rien resté, tout a disparu en particulier du peuple Zyva, un peuple qui reste une anomalie dans sa provenance... comme dans sa postérité.
Où es-tu donc passé, Ooooh Zyva Mon Ami ?
C’est sur ces mots que je vais clore cette conférence.
Wech Madame, Wech Mademoiselle, Wech Monsieur.
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Nota : l’attention des lecteurs et en particulier des étudiants est attirée sur le fait que, lors des prochaines fouilles, les découvertes éventuelles ne pourront être rattachées à l’une ou l’autre des espèces décrites dans la présente étude que pour autant que la totalité des critères désormais établis auront été dûment constatés et prouvés, ainsi qu’il sied à toute démarche scientifique. Un spécimen ne saurait se voir attribuer l’une ou l’autre de ces dénominations, à savoir Homo Zyva (le VRAI l’authentique Zyva), singe Bobo (le VRAI Bobo), Homo Homo (le vrai...), sur la foi d’un ou de deux indices plus ou moins isolés dans un portrait par ailleurs infiniment varié. La plus grande rigueur est de mise, on veillera à mener les investigations de manière ordonnée, systématique, sans rien laisser au hasard. Ces personnages ont bel et bien existé mais il est évident que toute généralisation serait contraire aux lois de la science. A défaut de retrouver toutes les caractéristiques expliquées dans la présente étude, on considérera le spécimen comme, comme, comme un, comme un quoi ? Un bâtard !
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