Guit'z Guit’z 26 avril 2014 21:07

@ l’auteur :

Bonjour,

« Le premier se dit porté vers l’indépendance québécoise mais sait que c’est une utopie »

Bon, ben ma lecture s’arrêtera là...

Je connais parfaitement le Québec : j’ai vécu deux ans à Montréal, je l’ai pratiquement exploré de fond en comble dans le cadre de mon exercice professionnel, j’y conserve de nombreuses attaches, j’y retourne assez fréquemment, et surtout j’en ai une connaissance livresque : historique et sociologique (rendez-vous sur le site Web de l’Université du Québec à Chicoutimi et consultez l’impressionnante bibliothèque virtuelle, qui surabonde de publications d’actualités québécoises en tous genres).

Votre assertion, que vous croyez frappée au coin du bon sens, témoigne de votre profonde méconnaissance du Québec, et plus généralement de votre totale inintelligence politique... C’est typiquement une ânerie d’étudiant français prenant le projet Erasmus pour le laboratoire désintéressé du cosmopolitisme inéluctable de demain, bref : relayant candidement la pensée dominante, c’est-à-dire celle des dominants. L’université c’est de l’idéologie, comme la presse c’est de la propagande.

Primo, il y a gros à parier que le Québec sera indépendant un jour. Aussi bien l’évolution démographique - en termes de générations - que les circonstances politiques, soit l’hégémonisme anglo-américain exponentiel sur tout le continent plaident en faveur de cette hypothèse. Puisque vous êtes étudiant, faites un sondage parmi les jeunes Québécois, vous constaterez qu’ils défendent une forme de « nationalisme » à mon avis très éclairé... Leur perception d’eux-mêmes et du monde est exactement celle dont les jeunes Français sont incapables. Les jeunes Québécois se perçoivent généralement comme québécois plutôt que comme canadiens ; voyageurs bilingues et francophones dans l’âme, ils se montrent aussi internationalistes qu’enracinés, aussi ouvert au monde que farouchement désireux de perpétuer leur charmante singularité. En outre, bien formés intellectuellement, en économie notamment, en sciences humaines de façon générale, spontanément à l’aise dans l’économie de marché et cependant plus « politiques » du fait de leur situation minoritaire en amérique du Nord, ils savent en outre que leur pays dispose d’impressionnantes ressources naturelles à commencer par l’eau potable... Les Baby boomers, par tradition, se montrent ordinairement attachés au fédéralisme canadien, légitimement fiers de cette réussite assez étonnante qu’est indiscutablement le Canada ; mais les gens de notre génération, plus pragmatiques, et paradoxalement plus anglo-saxons dans leur approche, sont majoritairement souverainistes. Le souverainisme est pragmatisme appliqué à l’économique ET au « culture ». Il est à la fois résistance en acte à l’impérialisme et condition d’un monde plus ouvert ET plus respectueux des identités. En vérité, contrairement à ce que vous dites, l’utopisme dingue, c’est le sanibroyeur mondialiste, son cosmopolitisme d’élites trônant sur un melting pot informe et ingérable hérissé de haines communautaires !

Deusio, une petite réflexion que m’inspire votre assertion « fautive »... Je trouve tout à fait consternant de voir à quel point les jeunes Européens, et les jeunes Français tout particulièrement, embouchent aussi benoitement les trompettes de l’idéologie sans-frontiériste. Comme si les frontières étaient des murs et non pas des écluses... Votre phrase, en quelques mots, illustre de façon symptomatique l’inintelligence politique phénoménale de notre jeunesse, bénits oui oui spontanés de la catéchèse oligarchique. A moins que la catastrophe globale en cours ne vous échappe en gros et en détail (si, si, ça existe...), la réponse politique qu’il convient d’apporter au chaos du marché total est évidemment d’ordre national. Et le problème n’est pas la persistance chaotique de nos vieux Etats-Nations, le problème est que leur persistance s’opère malgré le chaos délibérémént mis en oeuvre par nos politiques tous vendus au Marché, c’est-à-dire aux riches. Ce n’est pas la France qu’il faut réformer, c’est l’UE dont il faut sortir au plus vite. A votre avis, pourquoi toutes les élites mondialistes veulent à ce point détruire partout l’Etat-Nation - alors même que l’effondrement de l’Empire soviétique, depuis vingt ans, n’en finit plus d’avérer le désir des peuples de recouvrer leur souveraineté économique, politique, culturelle, identitaire, bref nationale ? L’équation fausse "nation = fascisme" (je résume...) sournoisement instillée par les Médias, l’Enseignement et le Politique dans les jeunes esprits, jusqu’à devenir le mantra inconscient de leur vision du monde, est une superstition aux conséquences aliénatoires absolument fatales. Elle interdit les jeunes gens de penser leur monde autrement que sous le rapport de la fatalité, c’est-à-dire de la soumission à la double impulsion - la "contrainte extérieure", comme disent les technocrates - du Capital et du nivellement culturel. Bien sûr que les nations sont artificielles et périssables... mais leur temps n’est venu que dans la tête pour le moins intéressée de l’Oligarchie : en vérité, ce sont aujourd’hui les forteresse les plus indispensables à la sauvegarde de l’humanité sur terre. Le capitalisme sauvage - et ceux qui le chevauchent sans égard pour le(s) peuple(s) - se propose de soumettre le monde entier, et pour se faire de détruire TOUT ce qui lui résiste. Il ne s’agit évidemment d’opposer un quelconque chauvinisme à l’Empire, en poussant des coricocos débiles, mais de comprendre, comme le comprennent les jeunes Québécois, que l’Etat-Nation, en termes d’échelle, est sans conteste à la fois la plus vaste communauté humaine librement consentie dans l’Histoire, et l’entité politique la mieux à même de renverser l’ordre implacable du capitalisme global. Je terminerai en vous disant que c’est précisément cette conscience, disons, « nationiste » des Québécois, qui les place aujourd’hui à la tête du mouvement francophone... avant la France elle-même (renseignez-vous sur les nombreux programmes éducatifs pluridisciplinaires - économie, médecine, sciences physiques - initiés par le Québec en Afrique). La France prisonnière de cette immonde saloperie néo-fasciste qu’est l’UE s’est même coupée de son incroyable substrat international, de ses anciens dominions parfois même aujourd’hui traités comme des ennemis (Mali). Vous savez quoi ? Je suis même persuadé que l’exemple québécois contribuera à la libération de la France par elle-même. La mondilisation, dont l’UE est le cheval de Troie en Europe, a refermé le monde sur l’économisme imbécile, avec les ravages humains et écologiques que l’on sait ; la révolte des nations le réouvrira sur lui-même.

PS : ce message assez véhélent se veut amical avant tout... smiley Je vous salue très cordialement et vous invite à profiter pleinement de ce beau pays entre tous cher à mon coeur.


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