hommelibre hommelibre 4 novembre 2014 13:31

Je reconnais explorer le mot « situationnisme » d’une manière volontairement singulière. Je dis que la marchandisation est une liberté et non une aliénation. Dans un spectacle comme le fut le nazisme, les acteurs n’ont pas le choix de leur rôle. S’ils prennent une distance ou refusent d’adhérer à la mise en scène, ils sont éliminés. C’est parce que le spectacle a un but idéologique.

Quand le spectacle est commercial, l’acteur reste libre d’adhérer ou non. Il peut jouer au tyran sur scène ou au bureau puis rentrer chez lui en monsieur toutlemonde.

Je suggère un nouveau situationnisme, en partie inversé car au contraire de l’analyse d’alors, je propose que le rapport marchand soit réhabilité, qu’il soit perçu comme une liberté et non comme une aliénation. Ma proposition de Situationnisme réhabilite ce rapport marchand, cette marchandisation si décriée par les situationnistes des années 1960, et renverse les concepts d’alors qui ont dominé la société pendant plusieurs décennies (et encore en partie aujourd’hui). Le commerce (et la marchandisation qui lui est liée) est un contrat, et par ce fait il est une liberté.

Le concept d’aliénation, tel qu’on le trouve de Marx à Marcuse et Debord, sert à fabriquer des victimes à la chaîne et à dénier aux individus le fait qu’ils décident de leur vie. Il donne toute-puissance au système et par cela contribue à faire du système l’ogre que par ailleurs il dénonce. Or il faut sortir de ce paradoxe qui est d’alimenter ce que l’on dénonce. C’est cela la fraude intellectuelle. On n’aliène pas son corps, on ne le cède pas en tant que propriété, on ne se dépossède pas en louant sa force de travail, on ne devient pas étranger à soi.

J’ai toujours eu quelques difficultés à considérer que le mot désigne la juste chose chez Debord, car son analyse critique est empreinte de nombreux jugements sur la valeur même de la vie des humains (comme par exemple les étudiants se préparant à former les petits cadres du système - quel mépris pour les gens qui font tourner le monde). 

Ce que j’ai de commun avec le situationnisme de l’époque est le mot, même si j’en définis un contenu un peu différent et si je le dépolitise. Le situationnisme se place à distance de toute idéologie rigide. Il évalue les circonstances pour en extraire quelque chose d’à chaque fois spécifique. Qu’est-ce donc qui le fonde, s’il n’y a pas une forme de théorie permanente et globale ? Sa fondation n’est justement plus dans la théorie (dont la notion d’aliénation fait partie) mais dans l’attitude, dans l’ajustement aux éléments en présence, dans l’adaptation. C’est pourquoi il ne peut être qu’individualiste. Ma lecture du situationnisme tient compte de manière plus précise du mot « situation », qui est un concept extrêmement mobile et qui donne la primeur à la réponse individuelle sur les conditions extérieures.

J’ai aussi en commun la notion de spectacle. La représentation de soi en terme de valeur marchande ne devrait plus être perçue un problème. L’argent est une monnaie d’échange, mais ce peut être aussi le troc, l’affect, tout peut être monnaie d’échange. L’intérêt du spectacle, comme je le précise avant, est la liberté de l’acteur, alors que Debord, sur le même mot et ce qu’il représente, y posait un diagnostic d’aliénation.

Cette liberté de l’acteur rend le spectacle performant. On peut se former à être dans le commerce, et terminer sa carrière comme ingénieur. Il n’y a plus d’adhésion intime et définitive à une identité professionnelle unique. La location de sa force de travail et de son corps est donc une liberté et non une aliénation car elle permet cette mobilité au cours de sa vie. C’est une application très concrète. On voit ici que faire évoluer le concept de situationnisme fait aussi changer le regard sur le monde. Nous ne sommes pas des pions du spectacle du monde, nous en sommes co-acteurs.

Au risque de hérisser un peu plus, je donne comme exemple de livre « situationniste » le Yi King.


@ Piotrek :

Au regret de ne pas être d’accord. Le terme discrimination est autre chose que trier et ordonner les informations. C’est aussi les évaluer les unes par rapport aux autres et les hiérarchiser, et en tirer des stratégies adaptées. C’est dire que certaines choses ont plus de valeur que d’autres dans certaines situations. 


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