bakerstreet bakerstreet 28 juillet 2015 23:31
Bravo pour votre article
« Le cri » est un de ces tableaux qui saisissent d’emblée les adolescents, au même titre que certaines œuvres de Dali : « Le rêve », et« les horloges molles », pour citer deux titres qui me viennent en mémoire.
Puis ces années de grande réactivité émotionnelles s’estompent, on se blinde, et l’on est souvent moins bouleversé par ces peintures expressionnistes, ou surréalistes, débordants l’une sur l’autre d’ailleurs dans leur approche de l’inconscient ; de l’épidermique.
 Il faut être en effet un voyant, un fou, ou un écorché vrai comme Van Gogh aussi pour réussir de tels tableaux, « accrocher sa peau au porte manteau », comme disait Celine !

Mais « le cri » reste, chez beaucoup d’entre nous, comme un saisissement, une photo de ces années là, où le « je »( vous avez raison de noter la promiscuité avec Rimbaud) était autre, était double. 
Le cri, c’est la Joconde des temps moderne traversant un pont. Un rictus impalpable sur son visage.

Qui sont ces hommes derrière ?...De simples passants ?....Surement pas le bon Leonard de Vinci, notre grand père en art qui nous prenait sur les genoux pour nous enseigner la beauté, et nous la trouvions belle !
On n’ose pas se retourner, affronter le pire !
 Peut être est-ce Picasso et ses femmes qui pleurent, poursuivant le modèle avec un couteau à peinture, s’apprêtant à remodeler les formes...
C’est une époque où dans la littérature aussi on ose traverser les ponts, les conventions, au risque de se perdre !

 Le ciel et le fleuve se confondent, et l’on redoute que ce passager du néant ne se jette derrière la rambarde, dans les eaux profondes !
Je pense à ce très beau texte de Gide, ou un de ces héros voit sur le pont Vecchio à Florence une jeune fille qui s’apprête ainsi à enjamber le pont.
 Il court, il la retient par la main. On la croit sauvée, mais elle lui demande simplement de ses yeux implorants et en quelques mots las, de ne pas insister. « Laisse, s’il te plait ! Laisse ! »..Et il ne peut rien faire d’autre que de la lâcher. 
Quelques instants, une éternité, avant que le corps ne s’enfonce dans les eaux du fleuve.

Ca se passait à Florence, mais ça aurait pu se passer pareil au dessus du pont Mirabeau, ou sur le golden bridge, ou à Oslo.
C’est drôle ce texte m’avait beaucoup marqué quand j’avais 15 ans.
 Et Gide aussi, du coté des lumières, comme Vinci, qui m’avait dit « Natanael je t’enseignerais la ferveur » !
Et plusieurs fois au cours de ma vie, malheureusement, j’ai vu « le cri » de Munch, coté ténèbres, dans les yeux de certains adolescents que je prenais en charge , à l’hôpital. 
Cette angoisse insupportable, au delà du transmissible. 

Refusant de leur lâcher bien sûr la main au dessus du pont. 
Mais sans réussir tout le temps à leur rendre la ferveur. 
Et c’est toujours là une grande douleur quand je vois ce tableau

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