etonne 21 octobre 2017 11:08
C’est pas gagné !
La réforme du baccalauréat. :=))

In : Gustave Le Bon (1910) Psychologie de l’éducation

"Les résultats désastreux de l’enseignement classique ayant été reconnus par les universitaires qui ont déposé devant la Commission d’enquête, ils se sont naturellement demandé comment y remédier.

Avec cette logique simpliste si répandue chez les latins, ils ont vite découvert la cause secrète du mal, le bouc émissaire qu’il fallait charger des crimes d’Israël. Le coupable c’était le baccalauréat ! Et avec ce radicalisme énergique qui est le produit nécessaire des raisonnements simplistes, le remède a été immédiatement signalé. Le baccalauréat étant la cause évidente de tout le mal, il n’y avait qu’à le supprimer. Sans perdre de temps, un projet de loi a été déposé dans ce sens au Sénat.

Supprimer est, bien entendu, une façon de parler. L’esprit latin n’hésite jamais à demander des réformes radicales, mais comme, de par son hérédité, il est doté d’un conservatisme extrêmement tenace, il concilie ces deux tendances contraires en se bornant à changer simplement les mots sans toucher aux choses.

L’infortuné baccalauréat a suscité un intéressant exemple de cette mentalité spéciale. Après avoir proposé de le supprimer, on propose immédiatement, — et cela dans le même projet de loi, — de le rétablir sous un autre nom. Il ne s’appellera plus baccalauréat, il s’appellera certificat d’études, à l’imitation de ce qui se passe en Allemagne, et de cette façon notre enseignement classique vaudra évidemment celui des Allemands. Rien n’est, comme on le voit, plus simple.

Ce qui semble tout à fait remarquable et digne d’être offert aux méditations des psychologues c’est que personne n’ait vu, ou au moins n’ait dit, que les parchemins sur lesquels on aura remplacé le mot “ baccalauréat ” par “ certificat d’études ” ne sauraient en aucune façon posséder la vertu de modifier les méthodes qui rendent notre enseignement inférieur à ce qu’il est chez la plupart des peuples. Sans doute on nous prévient que ce nouveau baccalauréat, qualifié de certificat d’études, sera précédé de sept à huit baccalauréats spéciaux, dits examens de passage, que l’élève sera obligé de passer devant un jury à la fin de chaque année scolaire. J’ai déjà montré l’enfantillage d’un tel projet de réforme. Si les résultats étaient les mêmes qu’à l’examen final du baccalauréat actuel — et pourquoi seraient-ils différents — la moitié seulement des élèves serait reçue. Les lycées perdraient donc d’un seul coup la moitié de leurs élèves, et leur budget, qui présente déjà des déficits énormes, serait si onéreux pour l’État, que les professeurs arriveraient vite à recevoir tous les candidats. Les choses redeviendraient donc exactement ce qu’elles sont aujourd’hui.

Nous sommes loin de penser cependant que la campagne entreprise contre le baccalauréat ait été inutile. Elle a contribué à. montrer aux moins clairvoyants ce que valent nos études classiques, et c’est pourquoi nous n’avons pas jugé inutile de consacrer un chapitre à cette question. Ce sont les examens du baccalauréat qui ont mis en évidence la pauvreté des résultats produits par les études classiques.

Ce baccalauréat si incriminé n’est en réalité qu’un effet et en aucune façon une cause. Qu’on le maintienne ou qu’on le supprime, ou encore qu’on change son nom, cela ne changera en aucune façon les méthodes universitaires. Si on le remplace par un certificat obtenu après un examen passé dans l’intérieur du lycée, le seul avantage sera de dispenser les professeurs de faire constater au public l’ignorance des élèves qu’ils ont formés."


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