Nicolas Kirkitadze Nicolas Kirkitadze 11 septembre 2018 13:20

@Bruno Hubacher

Le néolibéralisme est effectivement une idéologie et une conception du monde contestable. Mais tout comme le stalinisme n’a que peu à voir avec Marx, le néolibéralisme n’a que peu de points communs avec les principes fondateurs de la pensée libérale.

Je fais souvent l’éloge de la philosophe Ayn Rand dans mes articles. Plusieurs raisons à cela : premièrement, c’est grâce à la lecture de ses ouvrages que j’ai réalisé à quel point j’étais éloigné du nationalisme que je pensais être ma famille politique et à quel point la vision que j’avais du libéralisme était éloignée de ce qu’il était en vérité. Deuxièmement, la France est le pays le plus antilibéral d’Europe et même si Ayn Rand est un peu trop radicale (même pour un libéral) je pense que sa lecture ferait du bien à notre jeunesse et ferait peut-être bouger les choses. Enfin, c’est toujours rafraîchissant de lire la pensée d’une philosophe qui promeut l’ascension prométhéenne de l’individu et veut briser les codes. En tout cas, pour moi, ses livres La Grève et Nous, les vivants sont à classer parmi les ouvrages qui m’ont le plus marqué. 

Cependant, je ne partage pas la globalité de ses points de vue : je lui reprocherais notamment de négliger l’aspect spirituel (or, le bonheur ne peut se résumer par la richesse matérielle, même si ça aide) et je lui reprocherais également une vision trop financiarisée du libéralisme. Le libéralisme prônant la liberté, il faut aussi se libérer de l’argent selon moi : car, que l’on soit un esclave de l’Etat ou d’une multinationale, il n’y a pas de différences réelles. Pour moi, le libéralisme est avant tout une conception philosophique, puis politique et enfin économique, alors que Ayn Rand avait un schéma inverse. En fait, les philosophes (cela vous pour tous) doivent être remis dans le contexte de leur époque : lorsque Ayn Rand écrivait, les USA faisaient face à la montée d’une contestation sociale et au danger communiste, ce qui a sans doute poussé la philosophe à se radicaliser dans son libéralisme pour répondre à la radicalité du camp d’en face. Même si je la considère comme une des plus grandes philosophes du siècle précédent, je pense qu’elle doit être lue avec un esprit critique et on doit en emprunter les pensées qui sont d’actualité mais certaines de ses propositions ne sont évidemment plus adaptées à notre monde. On peut aimer Voltaire et Aristote sans reprendre le racisme du premier et l’esclavagisme du second. Il en est de même pour tous les philosophes dont il ne faut surtout pas adopter la globalité des idées.

Pour vous définir l’opposition entre un libéralisme philosophique et un libéralisme financier, je vais prendre l’exemple du roman Martin Eden que vous connaissez surement. Dans ce roman, on a justement affaire à une excellente image de l’opposition que ces deux libéralismes peuvent entretenir. Le libéralisme financier et bourgeois-conservateur est symbolisé par Mr. Morse et son entourage de la bonne société, caricatures typiques de financiers conservateurs et très « comme il faut ». Le libéralisme philosophique est quant à lui incarné par Martin lui-même qui méprise tout autant les piaillements revendicatifs des socialistes (qu’il critique vertement) que le conservatisme bourgeois de la bonne société financiarisée. C’est un libéral authentique qui aspire à s’élever socialement et intellectuellement par l’effort constant. A ce titre, il est bien plus libéral que Mr. Morse qui lui, n’est qu’un homme d’affaires sans âme, lisse et pingre qui se croit libéral mais est en fait un pur socialiste comme le lui rappelle Martin. Un vrai libéral croit en lui-même et non en un ordre établi.

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