rug (---.---.188.87) 27 mars 2007 16:01

Jeune professeur d’EPS en banlieue parisienne depuis 2 ans, je suis outré par un tel argumentaire et surtout par certains commentaires...construits à partir d’exemples vécus (ne trouvez vous pas ce genre de généralisation dangereux Monsieur le polytechnicien)

En effet, puisque tout le monde est allé à l’école, tout le monde se permet de juger le métier de professeur en connaissance de cause... « Mon prof de gym était ventripotent, cloppeur et glandeur, oui monsieur...Ces gens là sont payés à rien faire »...

Ca c’est de l’argument massue, merci messieurs les donneurs de leçon.

ventripotent : et oui, nous sommes humains, et avec le poids des ans l’homme de l’ère moderne a tendance à prendre du poids..d’autant plus pour des (anciens grands) sportifs habitués à manger bcp de pates et dont le corps stocke plus vite la graisse (je vais pas vous faire un cours de physio, hein ?)

cloppeur : quel pourcentage de fumeurs dans la population ? probablement pas moins chez les docteurs ou les sportifs...et oui tout le monde est touché par ce fléau

glandeur : je crois que ca existe dans toutes les professions...combien d’heures passées au travail sur internet ?

Certes, des enseignants caricaturaux tels que décrits dans vos commentaires existent, mais bien heureusement ils constituent une minorité en voie de disparition (ce sont pour la plupart des anciens, formés dans des CREPS il y a plus de 30 ans...et qui ont commencé leur carrière alors que la profession des « prof de gym » ne faisait même pas partie de l’éducation nationale...et oui, l’EPS ne dépend de ce ministère que depuis 1981...)

Commençons donc par le début...les professeurs d’EPS travaillent 20h par semaine DANS LEUR ETABLISSEMENT : 17h de cours et 3h de forfait pour assurer l’animation de l’association sportive (contre 18h pour les enseignants des autres disciplines)

Ces 17h de cours demandent effectivement, contrairement à ce que certains affirment, bcp de préparation A LA MAISON

(c’est d’ailleurs un des gros avantage du métier : on peut gérer librement ces temps de préparation...je serais d’ailleurs bien incapable de préparer un cours dans mon établissement, après avoir assuré 4h de cours avec mes jeunes élèves excités...un besoin de récupérer se fait alors sentir et ce n’est que tard dans la soirée que je peux m’y mettre...)

Et oui, donc, pour vous surprendre, ces préparations demandent du temps...Car pour faire progresser des élèves qui ont des niveaux de pratique si hétérogènes, ils ne suffit pas de donner un ballon et de les regarder jouer (ce qui est d’ailleurs particulièrement ennuyeux...), mais il faut bcp d’imagination et de compétences...

A l’heure où une femme de ménage est devenue une technicienne de surface, le prof de gym peut être vu comme un ingénieur en motricité, comme son niveau d’étude peut d’ailleurs l’y autoriser (oui monsieur)

Il faut par exemple varier les groupes de travail pour essayer d’entretenir la motivation de nos jeunes de plus en plus sédentaires et de moins en moins motivés pour bouger leurs fesses...mais aussi pour répondre aux différents besoins des élèves (il va de soi que le débutant n’apprend pas la même chose que celui qui pratique en club...)...et donc préparer des situations d’apprentissage adaptées à chaque groupe (ca vous en bouche un coin, hein ??)

Dans nos cours où l’apprentissage se fait dans l’action, les relations qu’entretiennent les élèves avec leurs congénères, avec les règles (règles de sécurité, règles de fonctionnement, ...), avec l’autorité, sont directement visibles...et force est de constater que nous connaissons bcp mieux nos élèves que les enseignants des autres disciplines...comme quoi on sert quand même à quelque chose smiley

En plus, il faut réussir à ce que les élèves relativisent leurs échecs, les défaites (merci zizou, ca nous aide bien votre coup de boule...), qu’ils apprenent la tolérance...Bref, notre métier est TRES facile, on donne un ballon et tout roule smiley

20h de travail DANS L’ETABLISSEMENT, certes...mais qu’en est il des réunions pédagogiques (élaboration des projets, bilan sur les difficultés rencontrées avec telle classe, ...), des réunions avec les parents (dès qu’un élève dépasse les bornes, c’est le meilleurs moyen de le recadrer, quand les parents ne se déchargent pas totalement sur les enseignants...et ca arrrive tous les jours là où j’enseigne)...

Bref, tout cela cummulé, j’assure largement mes 35h par semaine et je ne me sens pas du tout glandeur...

Pour en revenir au sujet de l’article, il est sûr que l’attitude de ma collègue est assez déstabilisante...si le dialogue a fidèlement été retranscrit, il est manifeste qu’elle ne sait pas trop de quoi elle parle...ce qui est assez inquiétant je l’avoue, car ca montre bien que certains prof ne sont pas lucides sur ce qui est en train de se passer...

petit argumentaire pour vous faire signer la pétition :

- un enseignant impliqué dans son animation d’AS assure les entrainements, les déplacements avec son (ses) équipe(s) de jeunes pour aller affronter d’autres établissements, ...ce qui occupe plus que les 3h du forfait pour lequel il est rémunéré...

- l’Association Sportive propose dans tous les établissements de france une multitude d’activités...pour cela, il suffit d’une licence affiliée à l’UNSS (union nationale du sport scolaire), qui coute environ 15 euros, et qui donne accès à toutes les activités de l’AS...quel club peut rivaliser avec cette offre ?? (depuis quand les offres des clubs sont « bon marché » pour les classes défavorisées...sortez de votre bulle de privilégié)

- dans certains établissements les effectifs de l’AS sont effectivement très petits...c’est majoritairement le cas dans les lycées professionnels, par exemple. Dans une grosse majorité des cas, plutot que de supprimer bêtement et simplement les forfaits des professeurs qui exercent dans ces établissements, des aménagements pourraient être faits... à commencer par une implication plus sérieuse des chefs d’établissement, qui sont au passage présidents des associations sportives de leur établissement...N’est ce pas comme cela que toutes les entreprises fonctionnent : le directeur surveille l’activité de ses employés ??? Ces chefs d’établissement pourraient par exemple libérer le mercredi après midi (ce qui n’est le cas que depuis 1 an dans mon établissement, alors que c’est normalement obligatoire depuis les années 80...)...Ca aide pour faire du sport le mercredi après midi

- théoriquement les forfaits sont supprimés dans les établissements où le taux d’incription à l’AS est jugé insuffisant... dans les faits, tous les TZR (les profs remplaçants) perdent leur forfait (dans certaines académies, là où le recteur est à la botte du ministre...)...Quid des 30 élèves entrainés par un TZR en poste à l’année dans un établissement où l’AS tourne bien ?? Tant pis pour eux, ils pourront s’inscrire en club...s’ils en ont les moyens...

Peut-on vraiment adopter une logique strictement comptable dans l’éducation ??? je ne le pense pas, nos enfants ne sont pas des morceaux de viande lobotomisés pour servir les entreprises...de même que l’école n’est pas au service des grandes compagnies mais au service du peuple, pour l’instruire, l’éduquer ET le former...vaste sujet...

- En supprimant les forfaits de tous les enseignants d’EPS, voici ce qui peut se passer...récupération de 30 000 (nb de prof d’EPS en france) * 3h = 90 000h, soit 90 000 / 20 = 4500 postes...le CAPEPS peut être fermé pour plusieurs années (1300 postes au concours en 2003, 800 en 2004, 400 en 2005 et 2006...)... Je me souviens d’une pub qui disait, en 2000...« prof, un métier d’avenir »...

Messieurs les politiques, à quand un plan de recrutement sur plusieurs années, pour que les étudiants puissent y voir un peu plus clair et se construire de vrai projet, pour que les parents qui investissent dans les études de leurs enfants ne se sentent pas floués ??

- plus largement...notre école publique est tellement décriée actuellement que bien des choses devraient être mises au point... effectivement tout ne va pas bien...surtout pour les classes défavorisées...C’est certainement en détruisant le service publique comme le fait la droite depuis 3 ans que ca va s’améliorer !! (notre école va mal... personne ne sait que pour plus de 50% des élèves, ceux qui vont jusqu’en terminale sans redoubler, les résultats sont parmi les meilleurs au monde...)

Messieurs les politiques, à quand un vrai discours clair, basé sur la réalité... un petit exemple : déclaration de Nicolas « futuritlère » Sarkozy, décidément toujours aussi bon pour manipuler l’opinion (c’est vrai que la manipulation des chiffres...à force c’est devenu une habitude...) : « Les STAPS (autrement dit la fac de sport) sont une usine à chomeurs » FAUX, FAUX, archi FAUX (sauf effectivement à considérer que la droite ne croit pas au bien fondé du tissu associatif...c’est bizarre, pendant les émeutes en banlieue, j’ai entendu dire qu’il fallait au contraire densifier ce tissu associatif...bizarre, bizarre...). Etude du CEREQ, 2006 : les staps sont la filière où le taux de chomage, quelques mois après la fin des études, est le plus bas..Certes, bcp de métier sont peu payés (éducateur sportif dans des asso, dans des maisons de quartier, ...), précaires, ...mais pourquoi mentir de la sorte ???

signé : un prof d’EPS énervé par tant de sotises, qui a du mal a boucler les fins de mois, qui habite à 600 bornes de chez lui (et n’est pas prêt de rentrer, vu le système des mutations institué par fillon) et travaille en banlieue, et à qui l’on reproche d’être trop souvent en vacances (sachez que les 2 mois d’été sont sans solde...)

PS : pitié messieurs, postez des commentaires quand vous savez de quoi vous parlez...


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