njama njama 31 août 2019 12:29

@alinea
Pour ce qui est des manipulations qui auraient conduit à des conflits communautaires dans la région ottomane, au plus loin leur origine remonte à « L’Affaire de Damas » en 1840, une sorte d’affaire Dreyfus.

Résumé : Un crime, une accusation du Consul de France, sans aucune preuve que des aveux extorqués sous la torture.

Le 5 février 1840 dans le quartier chrétien de Damas, le Père Tommaso da Calangiano1 (1777-1840), un moine d’origine sarde, de nationalité française, frère mineur capucin, et son domestique, Ibrahim Amarah, disparaissent sans laisser de traces. Le moine étant français, le consul de France à Damas, Ratti-Menton, supervise l’enquête, confiée aux autorités égyptiennes qui administrent alors la Syrie. Le consul de France et la police se fient à la rumeur publique qui accuse les Juifs de Damas d’avoir tué rituellement le moine et son domestique, afin de récupérer leur sang pour le repas de la Pâque.
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L’affaire a eu d’importantes répercussions internationales. Elle lance le coup d’envoi de l’antisémitisme moderne, selon Rina Cohen 2. Elle sert de « point de départ à la constitution des organisations internationales de défense des Juifs, à commencer par l’Alliance israélite universelle » (fondée en 1860), selon Léon Poliakov

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L’affaire de Damas et les prémices de l’antisémitisme moderne
par Rina Cohen

[...]La Syrie, province ottomane jusque-là, est sous l’autorité du vice-roi d’Égypte, Muhammad Ali, depuis 1832. En occupant la région, ce dernier cherche à acquérir une large autonomie par rapport à la Sublime Porte. Aussi, tout en cherchant à tirer parti de cette dissidence, les grandes puissances perçoivent-elles le risque de voir le démantèlement de l’Empire ottoman échapper à leur contrôle. La France encourage les aspirations de l’Égypte dans le cadre de ses propres projets en Méditerranée. La Russie, l’Angleterre et la Prusse soutiennent en revanche la Porte qui souhaite réintégrer l’Égypte dans l’ensemble ottoman. Ainsi, tout événement ayant lieu dans la province contestée de Syrie est l’objet d’un intérêt particulier de la part des puissances. Il est donc dans la logique des choses que lorsque l’un de ses protégés est impliqué dans un fait divers, le consul de France intervienne. Et, dans cette même logique, il va de soi que les représentants des autres puissances réagissent. Tous les ingrédients sont donc réunis pour que ce que l’on appelle très rapidement l’« affaire de Damas » agite les capitales européennes ainsi que les opinions publiques, notamment en France.[...]

À Paris comme à Londres, c’est la raison d’État qui prévaut sur la justice. En Angleterre, ce choix joue en faveur des Juifs de Damas. En effet, Londres compte beaucoup sur le mouvement millénariste, alors en plein essor [33], pour tenter d’entraîner les Juifs vers une conversion qui serait bien utile, notamment en Palestine, pour les projets britanniques [34]

En France, en revanche, la campagne anti-juive ne doit pas être seulement interprétée comme la résurgence d’une calomnie médiévale. C’est en fait à partir de cette dernière que s’élaborent les premiers constituants de la logomachie de l’antisémitisme moderne. Dans ce sens on peut soutenir que l’affaire de Damas est un brouillon de l’affaire Dreyfus.

[...]https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2001-1-page-114.htm


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