JL ML Jean-Luc Martin-Lagardette 3 juillet 2008 19:32

Quelques éléments me semblent nécessaires à apporter pour comprendre ce qui est en train de se passer. Et notamment que, contrairement aux quelques réactions négatives qui se sont manifestées ici, la création d’un Conseil de presse serait une avancée - et non un recul - par rapport aux libertés de la presse.

Il me semble que l’on ne se rend pas assez compte que, d’ores et déjà, l’indépendance journalistique est un quasi-mythe, à part quelques rares titres (le Canard, Alternatives économiques, etc.) et quelques rares rédactions. Laisser faire les dérapages sous prétexte de ne pas toucher à la liberté d’expression, c’est en fait permettre à ceux qui tiennent les règles d’orienter les infos comme ils le souhaitent.

Car la liberté de la presse est plus que menacée : elle est actuellement gravement réduite par la censure (plus ou moins directe) et surtout par l’autocensure (la plupart des grands journaux sont aux mains de capitaines d’industrie non spécialistes des médias).

Il faut quand même savoir que le journaliste n’est pas en profession libérale et qu’il est donc lié par un lien de subordination à son employeur. C’est la loi qui le dit pour tous les salariés et un journaliste est un salarié, c’est même une condition pour avoir la carte.

En outre, dans sa convention collective, il est expressément écrit que sa liberté d’expression, si elle est reconnue aussi bien à lintérieur qu’à l’extérieur de sa publication, ne doit EN AUCUN CAS nuire aux intérêts de son patron. C’est-à-dire, en clair, ni aux actionnaires ni à la pub... On comprend pourquoi les industriels aiment posséder des journaux.

Qui tranche quand un journaliste tombe sur une info d’intérêt général, dont le public aurait droit de prendre connaissance mais qui gêne l’employeur ? Qui tranche sinon le patron ou l’autocensure ? Dans quelques publications, il existe des sociétés de journalistes qui peuvent dire leur mot. Mais leurs pouvoirs sont encore très limités. Il n’y a pas de discussion au niveau national. Et les syndicats sont débordés pour déjà limiter la casse des effectifs...

Il n’y a aucune instance pour défendre les intérêts du public et de son droit à recevoir une info vraiment indépendante et de qualité.

Pour la TV, il faut savoir que le CSA, qui nomme aujourd’hui les patrons de la TV publique, est déjà un instrument du pouvoir politique (3 repésentants sont désignés par le pdt de la Rp, 3 par le Parlement, 3 par le Sénat). Il ne comporte pas de représentants du public... Les journalistes ont donc assez peu de marges de manoeuvre sur les questions sensibles, c’est-à-dire qui touchent les pouvoirs (politique ou économique)...

Un conseil de presse n’aura rien à voir avec un conseil de l’ordre (comme pour les médecins ou les avocats). Ce serait plutôt une instance de médiation et de régulation (et non de contrôle ; et elle n’interviendra pas sur le fond des articles mais sur le seul respect des règles éthiques).

Les dossiers de manquements, qui doivent bien être relevés si on veut que la presse devienne plus crédible, seront instruits par des commissions réunissant éditeurs, journalistes et public.

Une telle instance protégera donc autant le public que les journalistes. On peut imaginer que des sites comme Agoravox, qui seraient prêts à s’engager sur un référentiel minimum d’éthique, pourraient eux aussi rentrer dans le champ d’analyse du Conseil de presse.

Enfin, sachez que cette initiative, pour l’instant, est le fait d’un petit nombre de journalistes et de citoyens qui aimeraient non pas brider la liberté, mais faire en sorte d’aider à ce que les règles du jeu soient mieux respectées. Tout le monde y gagnera.



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