Tristan Valmour 1er mars 2010 22:00

Mon cher Astus

Les tests de QI sont censés mesurer l’intelligence n’est-ce pas ? Et, dans leur exploitation, signifier à tous que ceux qui ont un score bas ne sont pas intelligents, contrairement à ceux qui ont un score élevé.

Connaissez-vous l’effet Flynn ? L’effet Flynn constate l’augmentation du résultat moyen de la population des pays occidentaux aux tests de Qi. Augmentation de 3 à 7 points par décennie, et qui stagne actuellement. Seulement, les tests de QI sont constamment étalonnés pour prendre en compte cet effet et conserver les moyennes auxquels ils souhaitent parvenir. Sans cet étalonnage, nous aurions tous un Qi nettement supérieur au français de 1950 ! Et pourtant, ça n’est pas le cas. Donc, oui, la psychométrie est une pseudo-science, sauf en médecine. Ca, je l’ai déjà écrit en commentaire il y a quelques mois.

Je pourrai continuer à relater tous les biais dans la mesure du Qi, passons. Juste un truc : les autistes atteints du syndrome d’Asperger, comme Daniel Tammett, capable d’apprendre une langue en 3 semaines, de Temple Grandin ou Christopher Taylor, ils sont cons ou pas ? Sans compter les quelques cas (je n’ai pas les noms en tête) de gens qui à la suite d’un accident qui a touché les lobes frontaux, se sont révélés particulièrement intelligents, et doués d’une mémoire prodigieuse.

Les tests de Qi mesurent autre chose que l’intelligence. C’est tout. D’ailleurs, de manière générale, on ne mesure que ce qui est observable. Et là, je peux vous ressortir tout le conflit philosophique entre les rationalistes et les empiristes, et me référer abondamment à Leibniz. Mais ça va prendre du temps.

Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard (comme Gardner) dit, en se référant à une étude sur de vrais jumeaux, que le comportement et l’intelligence sont dus pour 50% aux gènes, 40% au hasard de l’organisation cérébrale et des relations sociales, 10% à l’éducation. Notons qu’ « hasard » peut signifier « on ne sait pas expliquer comment ça se passe ».

Vous dites « Toute proportion gardée c’est un peu comme si l’on disait que tout le monde peut courir le 100 m en moins de 10 secondes. » : j’ai dit que ce qui nous différencie essentiellement, c’est la vitesse de traitement, pas le résultat à atteindre. Donc, tout le monde, ou presque, peut courir le 100 m, mais pas en moins de 10 secondes bien sûr. L’important est-il de courir le 100 m, ou de le faire en moins de 10 secondes ? On donne aux gens le temps et les prérequis nécessaires, et ils auront un meilleur score aux tests de Qi. Seront-ils plus intelligents pour autant ? non ! Parce qu’un test mesure la capacité à réussir le test, pas l’intelligence.

D’ailleurs, les experts du CERI-OCDE appellent à laisser tomber les évaluations normatives dans le secteur de l’éducation. Voir le colloque de 2007 sur l’application en pédagogie des neurosciences cognitives. Et je dis bravo : l’évaluation formative est plus efficace.

Je parie que lorsqu’on en saura plus sur l’intelligence et le cerveau, on mettra tous ces tests aux oubliettes, sauf si les motifs économiques comme le besoin de contrôler une société l’emportent. Là se trouve le véritable enjeu des tests.

« il s’agit bien sûr d’une approximation hasardeuse pour quelqu’un qui souhaite montrer son élévation mentale » dites-vous. Franchement, j’en ai rien à faire de mon élévation mentale. Toute ma vie est consacrée à élever les autres au dessus de moi, et toute ma vie je n’ai cessé de constater les possibilités que chacun de nous a, et de les développer. Et je consens volontiers à dire que je suis de tous les hommes, le moins élevé. Aucun problème, mon plaisir est le vôtre. Ceci dit, en matière d’éducation, de psychologie cognitive, de philosophie et de neurosciences, je peux aisément sourcer chacun de mes propos, ce que je fais la plupart du temps d’ailleurs : c’est la base de mon métier.

On ne mesure que ce que l’on peut observer, point final, et tout n’est qu’approximation, vérité temporaire. Cela est vrai de la psychométrie, mais aussi des sciences dures ou des mathématiques. Si le cerveau était simple, nous serions trop simples pour le comprendre. Rappelez-vous que l’humanité à fait des bonds par le biais d’hommes qui ne correspondaient pas à des modèles (je ne parle pas de moi, ne vous inquiétez pas), sans compter ceux qui n’ont pas eu le loisir de passer à la postérité. On retient Piaget, qui est très bien, quand il fallait retenir Vygotsky, qui est mieux.

Bon, je vais arrêter là, mais il y aurait tant à dire sur l’intelligence. Mais je n’ai pas la capacité à embrasser l’universalité, l’infini et la nécessité. Les philosophes me comprendront.


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