Marc Bruxman 3 juin 2010 22:48

L’article n’est pas sot. Il est clair que souvent on a tendence à désigner une crise par sa phase d’impact alors que les raisons de la crise sont plus profonde et plus anciennes.

Croire que la crise de l’ancien régime a débuté le 14 Juillet 1789 est par exemple fallacieux ;)

Mais pour revenir au sujet je pense que 2000 est déja une date trop tardive.

Et je situerai plutot la date de la crise à la fin des années 60 et début des années 70. Cette crise c’est la fin de la société industrielle. Or la société industrielle est l’organisation dominante du monde depuis le XIXème siécle.

La société industrielle était basée sur des promesses simples :

  • De l’industrie pour produire des richesses.
  • Des états-nations pour conduire les infrastructures dont l’industrie à besoin et faire reigner l’ordre. Pour que cela marche, ils doivent être puissants. 
  • Des syndicats pour encadrer les travailleurs. (Auxilliaire de maintient de l’ordre remplacant la religion).
  • Des hommes, également travailleurs pour consommer ce que l’industrie produit.
Pour que cela fonctionne, il faut que le pouvoir soit à l’industriel c’est à dire que la demande soit toujours supérieure à l’offre. Cela maintient ainsi la pyramide du pouvoir dans le sens de l’industrie et ses alliés.

Dans une telle société, les marchands sont en position de faiblesses car l’offre étant insuffisante, il dépendent du bon vouloir des industriels pour leur approvisionnement. Un marchand mal approvisionné perdra sa clientèle.

De même l’innovation compte moins que la capacité à produire en grande quantité.

La construction de la société industrielle a mis du temps mais dans les 30 glorieuses celle ci était devenue une construction stable.

Mais drame, on a atteint un point de non retour dans les années 60. Un point qui casse tout :

  • La surproduction devient patente une fois la reconstruction achevée. La pyramide du pouvoir s’inverse lentement mais surement.
  • Mai 68 (et ses équivalents ailleurs) crée la société de consommation, et un désir d’émancipation des structures collectives. (états, religion). Certains syndicats souffriront d’ailleurs grandement, accusés d’avoir négociés la fin de la grêve sans consulter leur base.
La pyramide s’inversant se sont les consommateurs qui prennent le pouvoir. L’industriel lui surproduit. Le marchand, seul a même d’écouler la quantité de marchandise produite devient un élément central du système. L’innovation devient également un bon moyen de s’en sortir, un produit innovant n’atteignant pas tout de suite le stade de surproduction. Cela se met en place dans les années 70.

L’industrie déclinant tout au long des années 70, le soutient à un état « fort » fait de même. L’état « fort » était au service de l’industrie, si celle-ci voit son importance sociale décliner, l’état fait de même. Les syndicats de la même façon vont petit à petit souffrir de n’être plus indispensable. Le libéralisme qui arrive dans les années 80 est une conséquence de cette fin de l’ére industrielle. Il va diminuer le poids des états et des syndicats, et accélérer les restructurations dans l’industrie. En conséquence la productivité augmente encore... D’autant que les innovations des années 70 commencent à pénétrer la société. La société qui a définitivement perdu ses valeurs religieuses dans les années 70 va perdre ses anciennes valeurs « morales » dans les années 80 : Les syndicats se désintégrent rapidement. Les années 80 seront ainsi vues comme la décénie de l’argent.

Jeu de domino, l’union soviétique et ses satellites entre en crise profonde. Plus que les pays occidentaux, ils étaient structurellement liés à la société industrielle. Ils n’y survivront pas et auront droit à une thérapie de choc pour rejoindre le nouveau régime mondial. La société post-industrielle pouvait alors se construire.

Cette construction se fera dans les années 90. Libéré de contraintes géographiques, et réglementaire, la valse des capitaux devient mondiale. La Chine devient l’atelier du monde, réduisant encore d’avantage le role de l’industrie en occident. Les nouvelles technologies développées quelques années plus tot permettent d’accélérer le mouvement.

Avec l’accés à une main d’oeuvre gigantesque et peu chère, le mouvement de surproduction s’emballe. Et l’innovation devient le seul moyen pour une entreprise de prospérer. Il n’est ainsi pas étonnant que la deuxième moitié des années 90 connaisse une « bulle » technologique. Et technologie et finance ne font qu’un. La technologie demande des investissements très elevés et promet en retour d’énormes gains. La bulle internet va changer le monde en quelques années. Ses apports technologiques à l’humanité seront énormes.

Dans le même temps une nouvelle organisation voit le jour, on parle chez Alcatel « d’entreprise sans usines ». Ce qui veut dire tout simplement que l’on sépare la technologie d’un coté et la production de l’autre. En clair dans 90% des cas la « marque » ne posséde même plus ses usines. C’est devenu une occupation subalterne. A la fin des années 90, la société post-industrielle était construite mais beaucoup voulaient encore l’ignorer. (Ils veulent d’ailleurs toujours croire que l’industrie va redevenir une grande source d’emplois).

En 2000 on découvre que si l’innovation peut changer le monde, cela nécéssite du temps. La bulle explose. Mais malgrés tout, toutes les promesses technologiques de la bulle se réaliseront dans le courant des années 2000. La crise qui s’ensuit met une fois de plus l’industrie sous pression et elle licencie en bloc. La donne étant maintenant clair, la société se restructure à pleine vitesse. La finance elle dispose de capitaux gigantesques dont elle ne sait que faire. Si l’industrie n’est plus un investissement, si l’innovation a réussi à se casser la geule alors que c’est la drogue du capitalisme ou placer son argent ? La pierre est la dernière réponse d’une société attachée aux biens « physiques ». Elle permet de se rapprocher d’un monde rassurant ou agriculture, pierre et industrie formaient le socle de la société. Mais les temps ont changés. La aussi, on sait surproduire des logements. Et les vendeurs vont devoir les écouler à des gens non solvables. Crise des subprimes, boom ! L’industrie en reprend un coup extrémement violent. La surproduction atteint pourtant encore des niveaux jamais vus.

En 2010, la crise se déplace vers les états, derniers pilliers de la société « industrielle ». Personne ne veut plus en payer le prix, leur dette est devenue démente. Il seront le sujet du prochain épisode de la crise qui ne manquera pas de survenir. Et une chose est sure, cela risque de faire très mal.

Une fois que la crise aura touchée les états, il conviendra à la société post-industrielle de se reconstruire des structures adaptées à sa gouvernance. On aura alors une certaine période de stabilité.


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