Jordi Grau J. GRAU 9 mars 2011 11:01

Bonjour.

Je me permets de recopier ici un commentaire que j’avais écrit le 21 février à propos d’un article sur le même sujet :

Comme la plupart d’entre vous, je suis pour la liberté d’expression. Que Zemmour ait eu tort ou pas, c’est par des arguments qu’on peut le contrer et non par une condamnation pénale. Sur ce point, il faut suivre Voltaire, Chomsky et autres esprits intelligents.

Ceci dit, il serait intéressant d’analyser les propos de Zemmour concernant les contrôles de police « au faciès ». Admettons qu’il ait raison lorsqu’il affirme que les trafiquants de drogue sont généralement noirs ou arabes. Il est difficile d’en être sûr, mais ce n’est pas improbable. Un certain type de délinquance se développe plus particulièrement dans les quartiers ou les villes pauvres, cela peut se constater un peu partout dans le monde. Et comme, pour des raisons historiques et sociologiques, ces quartiers pauvres sont souvent peuplés d’immigrés ou de descendants d’immigrés, il se trouve que les petits délinquants ont souvent un type physique différent de la majorité des gens. Aux Etats-Unis, il y a un siècle, il y avait non seulement un racisme contre les noirs, mais aussi contre les immigrés italiens, irlandais, juifs. Et ce racisme était en partie alimenté par le fait qu’un certain nombre de ces immigrés étaient effectivement des délinquants ou des criminels. Mais à la même époque, les quartiers populaires de Paris étaient pleins de maqueraux et de voyous qui s’appelaient Durand ou Martin. Quoi de plus français que le nom de Bonnot ?

Ainsi, le type physique ou l’origine ethnique ne sont pas des causes de déliquance. Ce sont juste des marqueurs sociaux. Maintenant, admettons que ces marqueurs soient efficaces. Admettons que la police française ait plus de chance de tomber sur un petit trafiquant en contrôlant les noirs ou les basanés qu’en contrôlant les blancs. Cette pratique serait-elle pour autant admissible ? Non, à mon humble avis. D’abord, parce que cette pratique est injuste. Mettez-vous dans la peau d’une personne à la peau noire ou brune et imaginez ce qu’elle peut ressentir lorsqu’elle se voit constamment contrôlée par la police, simplement à cause de son apparence physique. N’auriez-vous pas, par hasard, un petit sentiment d’injustice ? Je pense que si. Et je pense que vous auriez raison. Le contrôle au faciès est donc injuste.

Mais comme il est injuste, il est aussi inefficace. Sur le court terme, peut-être, il permet à la police d’épingler quelques petits délinquants. Mais à long terme, il ne fait qu’accroître le fossé entre deux parties de la société : les blancs d’un côté, défendus par la police, les noirs et les arabes de l’autre, systématiquement soupçonnés d’être des délinquants. Le contrôle au faciès pousse à la haine du flic, et plus généralement à la rancoeur contre les blancs. Je lis beaucoup de commentaires sur le racisme des noirs ou des arabes. Oui, ce racisme existe, car le racisme est malheureusement la chose du monde la mieux partagée. Mais comment combattre ce racisme si, comme Zemmour, on approuve soi-même des pratiques racistes ?


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