Commentaire de SEPH
sur Pourquoi on ne veut pas mettre le nez en Syrie


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SEPH SEPH 15 novembre 2011 10:54
La guerre s’approche de la Syrie. Certains chroniqueurs et analystes arabes le pensent sérieusement depuis que la Ligue arabe a décidé de suspendre la participation de ce pays, en guise de sanction contre le régime syrien sous prétexte qu’il réprime la révolution syrienne. «  C’est la guerre qui rampe et très vite » a titré le quotidien arabophone londonien AlQuds AlArabi, dans la chronique de son rédacteur en chef Abdel Bari Atouane.
Atouane estime que les conditions actuelles rassemblement for à celles d’il y a 20 ans, lorsque la Ligue arabe a fait de même avec l’Irak suite à l’invasion contre le Koweït.
Selon lui, cette position n’est qu’une couverture pour une agression étrangère contre la Syrie. La Ligue arabe ayant fait de même avec l’Irak et dernièrement la Libye. Il pense que ce scénario a été mis au point depuis de mois, ou des années, mais s’interroge sur les parties qui vont l’exécuter, arabes, américaines occidentales, voire même islamiques, en allusion au nouveau rôle turc.

Après la décision de la Ligue arabe d’exclure la Syrie : des points de droit et des points d’interrogation

"« La décision de la Ligue arabe est illégale et contraire au traité  » (la charte fondatrice de la Ligue, qui date de 1945, Ndlr) : c’est à Youssef Ahmad, représentant de la Syrie au sein de l’organisation pan-arabe qu’il revenait d’exprimer le premier la réaction officielle de Damas à la décision de la Ligue de suspendre son pays. « Cette décision, a immédiatement ajouté M. Ahmad, met fin à l’action arabe commune (le « plan de paix ») et prouve que l’administration de la Ligue suit un programme édicté par les Américains et les Occidentaux. »

Pour l’ambassadeur, la mauvaise foi des dirigeants de la Ligue était évidente depuis longtemps et il a déclaré à la télévision syrienne s’être déjà accroché, voici deux mois, avec le Premier ministre qatari Cheikh Hamad ben Jassem, cheville ouvrière du fameux « plan de paix arabe », lui reprochant son inféodation aux directives diplomatiques américaines.

Voilà pour le fond. Sur la forme, le représentant syrien a fait valoir que les statuts de la Ligue arabe requerraient, pour la suspension ou l’exclusion d’un de ses membres, l’unanimité (moins le pays concerné). Or, le vote n’a été acquis que par 18 voix sur 22. Précisons quand même que la suspension est, par essence, provisoire.

Les pétro-dollars sauveront-ils la Ligue arabe de la dévaluation politique ?

Nous serions assez d’accord avec l’analyse de Youssef Ahmad sur l’« inspiration » générale de la décision de la Ligue. Mais, au fait, les diverses monarchies du Golfe, qui font, à coup de pétro-dollars, la pluie et le beau temps au sein de la Ligue, sont, de fait, des Occidentaux, des alliés, à la fois objectifs et déclarés, de Washington, depuis longtemps. La crise syrienne – et le cas libyen – leur ont donné l’opportunité historique de frapper dans le dos une nation qu’ils ont toujours détestée, tant pour sa couleur politique nationaliste laïque que pour les amis – l’Iran – et les ennemis – les Etats-Unis – qu’elle a.

A ce propos, on remarquera que toutes ces monarchies seraient bien peu de choses sans l’aide militaire occidentale : leur structure démographique et religieuse, avec d’importantes minorités chiites, et de non moins conséquentes populations de travailleurs immigrés, en font plus, contrairement à la Syrie, des féodalités fragiles que des nations, on l’a d’ailleurs vu au printemps dernier quand le sultan du Bahrein a dû appeler au secours l’armée saoudienne pour sauver son régime d’une révolte de la majorité chiite. Et une armée et des dollars ne suffiront pas indéfiniment à faire passer ces pays pour des nations. Mais, dans l’immédiat, avec leur puissance financière, les quelque six royaumes, émirats ou fédération d’émirats du Golfe peuvent façonner la ligne politique de la Ligue arabe. Et leur argent leur a permis de monter des chaînes de propagande beaucoup plus anti-syriennes qu’anti-israéliennes comme al-Arabiya et al-Jazeera.

Retour de bâton : la Ligue arabe menacée de sécession ?

En face, le clan du non-alignement sur Doha, Riyad et Washington regroupe, outre la Syrie et le Liban, l’Algérie, l’Irak. Le ministre libanais des Affaires étrangères Adnan Mansour a du reste réagi dès samedi pour indiquer que son pays avait rejeté la mesure de suspension de la Syrie. Il a en outre accusé les pontes de la Ligue arabe d’avoir préparé leur décision bien avant ce 12 novembre. Le représentant de l’Irak a renchéri, faisant remarquer, ô combien justement, que la Ligue arabe n’avait pas fait tant de tapage quand les Séoudiens avaient réprimé, en mars dernier, la révolte chiite au Bahrein. On notera au passage que les Américains ne se sont décidément pas fait un allié de l’Irak post-Saddam, qui n’a pas la mémoire courte, et qui sait ce que vaut l’ingérence démocratique chère à Bush junior et Bernard Kouchner. De son côté, l’Algérie a fait savoir, dimanche 13 novembre, qu’il n’était pas question pour elle de rappeler son ambassadeur à Damas. Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères, l’a dit très nettement, au Caire, à son homologue égyptien Mohamed Kamel Amr : « Il n’est pas question pour l’Algérie de mettre en œuvre la disposition de la Ligue arabe qui, rappelle-t-il au passage, autorise chaque pays à prendre sa décision de manière souveraine.  » Et décidément droit dans ses bottes, le chef de la diplomatie algérienne enfonce le clou : « Bien au contraire, plus que jamais le moment est au renforcement de la relation avec le gouvernement syrien pour mettre en œuvre plus concrètement encore  le plan que nous avons adopté le 2 novembre dernier au niveau de la Ligue arabe  ».

Le ministre algérien croit-il vraiment au plan de la Ligue ? En tout cas, son pays se range résolument, avec d’autres, aux côtés de la Syrie. La Maison Blanche et ses petites mains européennes vont avoir décidément beaucoup de monde à bombarder, ou à affamer !

Au Caire, l’ambassadeur syrien a rappelé les mesures qu’avaient, malgré le climat de guerre civile entretenu dans certains endroits par des activistes visiblement peu concernés par le plan arabe de paix, prises le gouvernement syrien : retrait de troupes des villes, libération de détenus, amnistie accordée aux détenteurs d’armes non impliqués dans des actes violents, autorisation accordée à plusieurs journalistes arabes et étrangers pour accéder en zones de conflit. Il a réaffirmé que la Syrie était prête à collaborer avec la Ligue pour l’application rapide de son plan de paix. Le problème étant que les dirigeants de la Ligue arabe n’ont très certainement jamais cru à leur plan, qui n’est pour eux qu’une sorte de kleenex diplomatique qu’ils viennent de jeter après usage…" 

Louis Denghien


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