Commentaire de ELAA
sur Les séries télévisées


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ELAA 4 octobre 2016 14:11

Très cher Ricoxy,


même si je partage ton opinion en ce qui concerne la très grande majorité des séries produites, il en est deux, notamment, qui sortent du lot de façon magistrale, et qu’il ne faut absolument pas mélanger à l’ivraie télévisuelle.

Je veux parler tout d’abord de The Wire (Sur écoute), que tu cites rapidement, et qui pourtant est très nettement supérieure aux autres. C’est un travail d’investigation total, une description politique et sociale d’une immense profondeur de la part de ses auteurs (David Simon et Ed Burns, respectivement ex-journalite et ex-policier). Leur ambition : utiliser le storytelling pour faire bouger les choses (à Baltimore, chez eux) : « Je ne veux pas faire quelque chose qui ne sert qu’à occuper les gens dans leur temps libre » dixit David Simon.

C’est, selon moi, la seule véritable série politique (toutes les autres, House of cards... ne mettent en scène que le « spectacle de la politique »... tout comme nos politiques bien sûr).

The Wire est pour moi l’archétype de l’oeuvre de fiction qui dépasse le simple documentaire. Elle tente de montrer des idées innovantes (légaliser la drogue notamment), de dépeindre les travers à chaque échelon (même le truand se fait truander par les politiciens de la ville). Elle montre toutes les classes sociales, toutes les tranches d’âges, tous les milieux (75% des habitants sont noirs ? Eh bien, 75% du casting l’est également). Le portrait de la ville est des plus méticuleux, et à travers Baltimore, ce sont toutes les grandes villes américaines que l’on peut reconnaître, et à travers elles, toutes les grandes villes du monde : on touche bien sûr à l’universel. 

C’est une série exigente, qui demande concentration (les épisodes sont longs, peu rythmés en comparaison avec le montage hyper saccadé des séries actuelles) mais elle nous en apprend plus en 5 saisons que n’importe quel documentaire, film ou livre sur le sujet. Alors oui, il existe des séries qui dépassent le simple divertissement. 

Je te conseille de la revoir.

La deuxième série que je place hors du lot, c’est Buffy contre les vampires (si si). 

C’est une série pour adolescent, donc je ne te la conseille pas. Mais elle est très différente des autres. C’est une série « introspective », qui parle de l’humain à un moment crucial de la construction identitaire qu’est l’adolescence, aux difficultés et aux choix que l’on doit faire. Et pour en parler, elle utilise la métaphore fantastique assez finement.

C’est une série qui remet au goût du jour les archétypes fondamentaux de la psyché humaine. Citons le rôle central du MENTOR : l’héroïne, dont le père est absent, rencontre son mentor, bibliothécaire dans son lycée, qui va la former et l’épauler tout au long de la série. 

Ce mentor/bibliothécaire va surtout lui permettre de dépasser sa condition de « petite américaine superficielle » pour l’initier aux connaissances occultes ancestrales... par la lecture. Ainsi, d’épisode en épisode, la réponse se trouve toujours dans les livres. C’est tout simplement une ode à la bibliophilie.

Chaque personnage (« bon » ou « méchant ») va ainsi évoluer de manière édifiante (et ça, c’est très très rare dans les séries). Ils vont « grandir » en affrontant leurs propres démons (incarnés par tout un bestiaire mythologique : et pas seulement des vampires). Nous voyons que la société américaine est littéralement (et physiquement dans la série) construite sur de multiples civilisations, ésotériques et ancestrales, aux racines extrêmement profondes (la ville de la série est ainsi construite sur l’une des « bouches de l’enfer », qui attire à elle tous les êtres surnaturels).

A noter également : rien n’est vraiment manichéen, dans Buffy... L’ennemi d’hier, peut devenir l’allié de demain... et vice versa ! Il n’y a que dans la culture asiatique que l’on peut voir ce genre de thématique.

Non, à bien y réfléchir, cette série devrait te plaire :) Tu ne devrais pas la juger si durement, du fait notamment de son titre français. Elle n’a strictement rien à voir avec une série (d’adolescent) classique.


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