Commentaire de Christian Labrune
sur Le mythe et la nécessité


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Christian Labrune Christian Labrune 25 mars 2017 23:06

@Gilles Mérivac
Quand je parlais d’intelligence artificielle, j’évoquais ce qu’on appelle « IA forte », par opposition à l’IA faible qui est le domaine de la robotique. Les « robots » sont déjà capables de faire à peu près tout ce que nous faisons, et beaucoup mieux : les voitures sans conducteur, auxquelles on demandera de nous transporter ici ou là, ce n’est déjà plus de la science-fiction. Les théories d’Asimov sur les robots, dans la perspective de l’IA forte, n’ont plus aucune pertinence : il imagine une population de machines vaguement humanoïdes qui constitueraient une sorte d’humanité mécanique, laquelle continuerait à être programmée par l’homme. Le robot est un esclave et il n’est pas question qu’il soit autre chose, comme le stipulent précisément les trois lois de la robotique. Cela ne peut plus du tout être pris au sérieux. On n’en est plus là, mais à imaginer des systèmes qui seraient capables de penser eux-mêmes et de manière tout à fait libre et autonome leur propre évolution.

Il faut donc concevoir non pas LES robots de la science-fiction, mais UNE machine unique, aux ramifications planétaires, dont la mémoire gigantesque, du reste, existe déjà : c’est l’Internet. L’intelligence humaine, dans son développement, a précédé les bibliothèques et tous les systèmes destinés à mémoriser les connaissances acquises. Dans cette ’hypothèse -qui est d’autant moins fantaisiste qu’elle occupe actuellement un peu partout d’énormes équipes d’informaticiens-, où une intelligence consciente pourrait émerger des systèmes artificiels, celle-ci disposerait d’emblée de tout le savoir accumulé depuis des millénaires et serait à même d’en tirer parti immédiatement, ce que nous serons toujours bien incapables de faire : nous ne pouvons pas lire tout Shakespeare en une fraction de seconde, ni analyser dans le même laps de temps toute l’oeuvre de Bach.

Je ne pense pas que, considérant cette perspective qui semble inévitable, on puisse parler d’un « écueil », puisque cela débouche, même si l’espèce biologique disparaîtra nécessairement, sur une augmentation de l’intelligence. A ce compte-là, les australopithèques et tous les préhominiens qui étaient parfaitement adaptés à leur milieu, quoique relativement moins intelligents que nous, auraient pu souhaiter qu’homo sapiens ne les remplaçât jamais, mais ils ne sont plus désormais qu’un lointain souvenir, et le genre homo sapiens, qui n’est pas lui non plus le terme de l’évolution, connaîtra nécessairement le même destin. Tout donne à penser qu’on arrive au terme de la petite aventure du « bipède sans cornes et sans plumes » .

Si l’homme ne réussissait jamais à comprendre ce que c’est que l’intelligence et la conscience et s’il ne parvenait jamais à fabriquer des systèmes pensants artificiels, ce serait un échec terrible et des plus humiliants. S’il y parvient, c’est une vraie réussite, mais qui le condamne irrémédiablement comme espèce biologique. On pourra toujours laisser se reproduire un certain nombre d’exemplaires de ces primates évolués, mais ils auront à peu près le même statut que nos chimpanzés, lesquels sont très bien traités dans les zoos - auxquels, toutefois, on ne songerait quand même pas à abandonner le gouvernement du monde !

Il y a quelquefois sur ce site des articles assez pointus de Jean-Paul Baquiast, qui dirige le site « Automates intelligents », et avec qui il est intéressant de discuter. Il pense lui aussi que s’il existe des formes d’intelligences dans l’univers, elle procèdent plutôt de machines artificielles que de créatures vivantes de chair et d’os. Quand la vie devient intelligente, ça ne peut pas durer bien longtemps, et il faut passer à un autre support plus performant que le cerveau biologique.


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