Jordi Grau Jordi Grau 17 février 2017 11:32

A l’auteur de l’article

Le constat que vous faites est partiellement vrai. Il est exact que beaucoup de jeunes issus de l’immigration africaine et nord-africaine, mais ayant la nationalité française, disent « les Français » pour désigner les Français d’origine européenne.

En revanche, je ne suis pas d’accord avec votre diagnostic. Ces jeunes subissent non seulement du racisme mais les effets de la reproduction sociale. Leurs grands-parents ou leurs arrières-grands-parents ont généralement été employés dans l’industrie quand ils sont arrivés en France. Or, on sait que les enfants des catégories populaires réussissent statistiquement moins bien à l’école que ceux des classes moyennes et supérieures. Cela s’explique, notamment, par le fait que leurs parents sont moins cultivés, et qu’ils ne peuvent pas leur transmettre un vocabulaire riche ni des connaissances dans des domaines très variés, alors qu’un fils de profs ou de médecins se retrouvera comme un poisson dans l’eau dans le milieu scolaire. C’était vrai à l’époque où Bourdieu et Passeron écrivaient Les héritiers, et ça l’est resté depuis cinquante ans, comme l’a montré par exemple le sociologue Camille Peugny dans un petit livre intitulé Le destin au berceau. Bien évidemment, le chômage des masses qui est apparu à la fin des Trente Glorieuses n’arrange pas les choses.

Bref, nous avons là toute une population qui est très mal intégrée socialement parce qu’elle subit plus que les autres le chômage, la précarité, la relégation dans des quartiers pourris. Vous me direz que ce constat vaut aussi pour beaucoup de « Français de souche », c’est-à-dire dont l’apparence physique et le nom de famille semblent renvoyer à une origine européenne. C’est vrai. Mais ces gens-là sont assez facilement acceptés par le reste de la nation comme d’authentiques français. Ils peuvent donc se raccrocher à leur « identité nationale », aussi fantasmatique soit-elle. Les Noirs et les « Arabes », par contre, sont moins facilement reconnus comme français (comme en témoignent notamment les contrôles au faciès, mais pas seulement). Donc, ils se sentent doublement rejetés par la communauté française. Il n’est pas très étonnant, dès lors, que certains d’entre eux essaient de se bricoler une identité communautaire en se rattachant à des traditions extérieures à notre pays.

Pour terminer, l’absence de patriotisme n’est pas réservée aux Noirs ou des « Arabes ». Pensez à tous ces gens qui trouvent des combines légales ou illégales pour soustraire le plus possible d’argent au fisc. Certains d’entre eux vont même jusqu’à s’exiler pour cela. Ces gens se sentent-ils français ? Et que penser de tous ces hommes politiques qui appliquent des mesures anti-sociales depuis plus de trente ans, pour le bénéfice de la seule bourgeoisie ? Agissent-ils réellement dans l’intérêt national ? Et ceux qui, comme Marine Le Pen (mais elle n’est pas la seule) stigmatisent sans arrêt les Français musulmans ? Croyez-vous qu’ils aient vraiment en vue l’unité, la liberté et la prospérité de la France ? J’aime mon pays, et c’est pourquoi - contrairement à vous - je suis impitoyable à l’égard de tous ses défauts. Car sans la lucidité, aucun remède n’est possible.


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