Internet, zone de combat en Egypte
Cette fois ce n’est pas à Guantanamo, mais en Egypte, dans le gouvernorat de Guizeh, que tout s’est enchaîné différemment de ce qu’avaient prévu les protagonistes de l’acte de torture qui fait événement : un an après le début de la sordide histoire, les faits ne sont pas dissimulés, atténués, ni enterrés, la diffusion sur Internet d’une vidéo amateur a si bien valeur de preuve que les institutions politiques et judiciaires du pays doivent traiter le problème.
C’est en novembre 2006 qu’Emad al-Kabir décide de porter plainte, la peur de représailles cédant devant le souci de chercher à aider son frère qui vient alors d’être emprisonné (pour avoir refusé de payer cinq livres de pot-de-vin à un policier, semble-t-il). Le 10 janvier 2007, il est condamné à trois mois de prison pour avoir « agressé un policier et fait obstacle aux autorités ».
Fin décembre 2006, les deux policiers, Islam Nabih et Reda Fathi, ont été arrêtés ; ils seront jugés le 3 mars. Ils risquent de trois à dix ans de prison, aux termes des articles 178, 268 et 282 du Code pénal égyptien, notamment pour atteinte à la morale...
Il est intéressant de savoir que le Code pénal égyptien restreint la définition de la torture, la limitant aux cas où la victime est contrainte à des aveux, et ne la pénalisant que si elle est pratiquée après une arrestation jugée illégale. Un policier tortionnaire ne peut être inquiété s’il cherche à obtenir des « renseignements ». Les procès jusqu’ici ont concerné des affaires strictement politiques, généralement en cas de décès de la victime de torture.
Seulement la diffusion de cette vidéo a été élargie par un
journaliste égyptien âgé de trente-deux ans, Wael Abbas, qui considère que son
rôle est de « rendre les informations publiques » et « d’appeler
les gens à témoigner ». Il veut « toucher le plus grand nombre »
et « rappeler à (ses) compatriotes qu’ils ont des droits ». En 2004,
son blog drainait 30 000 visiteurs par mois, aujourd’hui plus d’un million
de connexions mensuelles sont comptabilisées. Il est lucide : « C’est une lourde responsabilité, et je
risque d’en subir les conséquences. » Selon son analyse : « Le régime peut commencer à avoir peur de
notre action et faire plus attention ; mais il peut aussi s’attaquer à
nous, par exemple en faisant passer une loi qui réprime plus sévèrement les
activités sur Internet. » Il est partagé entre ces inquiétudes et sa
confiance dans Internet, qu’il exprime sur son blog, dans un des rares passages
en anglais : « My message is
to this marvelous thing called the Internet. »
La communication de l’information par Internet peut jouer un rôle déterminant dans les combats politiques, pour déjouer la censure exercée par les pouvoirs, les phénomènes de corruption, les oppressions :
But this jinni frightens some governments, because
it made things get out of hand for them — the time when they thought
they had control over everything has come to an end, their control and
censorship of the press and the air waves is over.