L’Eglise prend position sur l’Etat
L’Eglise « ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’Etat »,
mais « elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart... », et doit « s’insérer
dans la bataille politique » par « la voie de l’argumentation
rationnelle ». C’est ainsi que les évêques de France viennent de prendre
place en amont de la campagne
présidentielle, par la publication d’un « Message
du Conseil permanent de
Sur
fond de défense et illustration de la politique (« Celui qui méprise le
politique ne peut
pas
dire qu’il aime son prochain « Celui qui méprise le politique méprise la
justice »), qui existe « par
et pour le bien commun », le document décrit la société idéale, à travers
deux dimensions. Un cadre général se dégage, celui d’une société fraternelle,
juste, d’une démocratie qui serait l’accomplissement de « l’idéal
républicain », avec des accents rousseauistes pour évoquer le « bien
commun [...], lequel est plus que la
somme des intérêts particuliers, individuels ou collectifs, souvent
contradictoires entre eux. »
Contrastant avec le tableau d’une société
idéale apparaissent les usages que les hommes font de la politique : les
responsables politiques s’égarent souvent en sacrifiant au jeu médiatique :
« Les hommes et les femmes politiques
sont conduits à se plier au fonctionnement des médias où le slogan masque souvent
la complexité des analyses de situation, où les intrusions dans la vie privée
remplacent quelquefois l’énoncé d’un programme », et doivent « fournir
un effort de vérité ». Les individus, responsables de leur réflexion et de
leurs actions, doivent participer à l’amélioration du « vivre ensemble »,
la réitération de la question « Qu’as-tu fait de ton frère ? » ne
laisse aucun doute sur la volonté de l’épiscopat de s’adresser aux individus,
et de le faire sur un mode offensif (la question demande des comptes).
Pour
dépasser ce stade très imparfait de la société et se rapprocher de la société
idéale, le document donne des pistes, des repères politiques : ni
avortement, ni euthanasie, des « familles stables, fondées sur des couples
unissant un homme et une femme » (sur le site Chrétienté.info on trouve
une interprétation directe des développements consacrés à la famille : « la priorité donnée à la famille oblige les
catholiques à se prononcer prioritairement pour le ou les candidats qui
manifesteront explicitement leur attachement et leur soutien politique à la famille ») ;
un « réajustement » du rapport « entre l’Etat et la nation »,
car « iI ne peut s’agir d’une
disparition de l’État au profit d’une construction européenne qui risquerait
alors de se réduire à des structures bureaucratiques » ; la volonté de « prendre une juste
part », soit une « part généreuse », à l’accueil des immigrés, sans
qu’il soit question « d’accueillir tout le monde ». Mi-novembre des
fiches seront publiées sur l’Etat, la nature, la démocratie, le logement,
destinées aux communautés chrétiennes, pour les aider à prendre « plus de
recul et à être moins malléables avant les échéances électorales ».
Ainsi
les évêques font entendre leur voix sur la place publique, par devoir et par
tradition : « Nous pouvons d’autant moins ignorer ou mépriser ce
nouveau contexte politique que la tradition chrétienne a souvent inspiré, à leur
origine, beaucoup de ces évolutions. » La sauvegarde des racines
chrétiennes des sociétés occidentales est à ce prix, on sait combien le pape y
est attaché. L’Eglise veut aider l’Etat à
régler « les situations difficiles », elle veut « prendre part à un débat loyal où son avis
ne serait pas disqualifié au départ ou marginalisé ».
Son rôle est de « réveiller les forces spirituelles ». Les derniers
mots du message sont : « Craignez Dieu ».