vendredi 20 octobre 2006 - par

L’Eglise prend position sur l’Etat

L’Eglise « ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’Etat », mais « elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart... », et doit « s’insérer dans la bataille politique » par « la voie de l’argumentation rationnelle ». C’est ainsi que les évêques de France viennent de prendre place en amont de  la campagne présidentielle, par la publication d’un « Message du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France à l’occasion des prochaines élections », adressé à tous, « aux communautés catholiques, aux responsables politiques et à l’opinion publique ».

Sur fond de défense et illustration de la politique (« Celui qui méprise le politique ne peut
pas dire qu’il aime son prochain « Celui qui méprise le politique méprise la justice  »), qui existe « par et pour le bien commun », le document décrit la société idéale, à travers deux dimensions. Un cadre général se dégage, celui d’une société fraternelle, juste, d’une démocratie qui serait l’accomplissement de « l’idéal républicain », avec des accents rousseauistes pour évoquer le « bien commun [...], lequel est plus que la somme des intérêts particuliers, individuels ou collectifs, souvent contradictoires entre eux. »

Contrastant avec le tableau d’une société idéale apparaissent les usages que les hommes font de la politique : les responsables politiques s’égarent souvent en sacrifiant au jeu médiatique :
« Les hommes et les femmes politiques sont conduits à se plier au fonctionnement des médias où le slogan masque souvent la complexité des analyses de situation, où les intrusions dans la vie privée remplacent quelquefois l’énoncé d’un programme », et doivent « fournir un effort de vérité ». Les individus, responsables de leur réflexion et de leurs actions, doivent participer à l’amélioration du « vivre ensemble », la réitération de la question « Qu’as-tu fait de ton frère ? » ne laisse aucun doute sur la volonté de l’épiscopat de s’adresser aux individus, et de le faire sur un mode offensif (la question demande des comptes).

Pour dépasser ce stade très imparfait de la société et se rapprocher de la société idéale, le document donne des pistes, des repères politiques : ni avortement, ni euthanasie, des « familles stables, fondées sur des couples unissant un homme et une femme » (sur le site Chrétienté.info on trouve une interprétation directe des développements consacrés à la famille : « la priorité donnée à la famille oblige les catholiques à se prononcer prioritairement pour le ou les candidats qui manifesteront explicitement leur attachement et leur soutien politique à la famille ») ; un « réajustement » du rapport « entre l’Etat et la nation »,  car « iI ne peut s’agir d’une disparition de l’État au profit d’une construction européenne qui risquerait alors de se réduire à des structures bureaucratiques  » ; la volonté de « prendre une juste part », soit une « part généreuse », à l’accueil des immigrés, sans qu’il soit question « d’accueillir tout le monde ». Mi-novembre des fiches seront publiées sur l’Etat, la nature, la démocratie, le logement, destinées aux communautés chrétiennes, pour les aider à prendre « plus de recul et à être moins malléables avant les échéances électorales ».

Ainsi les évêques font entendre leur voix sur la place publique, par devoir et par tradition : « Nous pouvons d’autant moins ignorer ou mépriser ce nouveau contexte politique que la tradition chrétienne a souvent inspiré, à leur origine, beaucoup de ces évolutions. » La sauvegarde des racines chrétiennes des sociétés occidentales est à ce prix, on sait combien le pape y est attaché.  L’Eglise veut aider l’Etat à régler « les situations difficiles », elle veut « prendre part à un débat loyal où son avis ne serait pas disqualifié au départ ou marginalisé ». Son rôle est de « réveiller les forces spirituelles ». Les derniers mots du message sont : « Craignez Dieu ».  




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